Le pharisien et le publicain

Messe dominicale. Un cri strident, inarticulé, monte du fond de la nef et perturbe l’Alleluia qui annonce l’évangile. Le même cri, sporadique, tout au long du sermon et de la liturgie. Personne ne bouge. Impassible, le célébrant pérore et chante comme si rien n’était.  Mon esprit s’échauffe, je trépigne sur mon siège. Mais je reste immobile.

La messe terminée, je me précipite vers la source du trouble. Un adolescent handicapé dans les bras de son père. Ce dernier m’explique que son fils a tellement de plaisir quand il entend chanter. Alors il s’associe… à sa manière.

Je m’informe. Il n’est pas rare de voir et d’entendre ce jeune à cette messe. L’assemblée le connaît et semble l’accepter. Je suis peut-être le seul à l’ignorer.

Et Jésus qui assiste à la scène sourit.

Sans doute se souvient-il du bègue, du manchot, du paralytique qui l’émut à la synagogue un jour de sabbat. Et lui de quitter sur le champ la liturgie, lui imposer les mains et le guérir.

Je mentirais si je ne disais pas que l’envie me vint de l’imiter.  N’a-t-il pas confié ce pouvoir à ses disciples ? Mais je demeurai de marbre, emmuré. Manque de foi ? Crainte de tenter Dieu ? Respect humain ? Peur du ridicule ?

A tête reposée, je réfléchis. Guérir un malade, c’est aussi accueillir son handicap et ne pas le lui faire sentir. Ne pas l’exclure et même l’aimer. L’amour est le premier pas vers la guérison. Et tous les autres suivront.

J’avais tort de m’énerver. L’assemblée m’a converti. La prochaine fois, je n’attendrai pas que le jeune me tende sa main. Je ferai le premier pas. Je le prendrai dans mes bras.