Le doute et la foi
- Fr. Guy
Je tente de développer une ou deux thématiques sollicitées par un ami proche. Si le résultat est concluant, je pourrais communiquer mon texte à d’autres amies et amis. Je commence par « le doute et la foi ».
Deux termes antinomiques, comme le chaud et le froid, la certitude et l’incroyance. Deux notions qui ont marqué l’histoire de la philosophie, celle des sciences et des religions. On parle aussi du pari pascalien sur l’éventualité d’une autre vie à la fin de celle-ci. Le philosophe Blaise Pascal est d’avis qu’il faut y croire. Mieux vaut quelque chose qui survit à notre mort que notre disparition totale dans le néant.
Mais c’est sur la réalité et la nature de ce « quelque chose » (ou de ce quelqu’un) et sur son mode d’intervention que le doute ou la certitude s’affirme gagnant. Le récit qui dans le quatrième évangile met en scène Thomas, le disciple incrédule devenu croyant, est révélateur. Thomas ne veut affirmer sa foi en la résurrection que si ce miracle est conforme aux conditions qu’il a posées préalablement : vérifier lui-même les cicatrices du prétendu crucifié. Il veut voir et savoir pour croire ensuite.
Mais la foi n’est plus la foi si elle est préalablement conditionnée. Elle est littéralement un « ab-solu », détachée et libérée de tout conditionnement humain qui la rendrait possible et acceptable. D’où cet aphorisme très peu thomiste de quelques théologiens anciens : « credo quia absurdum ». Thomas d’Aquin disait plutôt : « fides quaerens intellectum ». La foi vient au secours de notre entendement humain limité. Autre perspective.
En fait, le doute de l’existence de Dieu naît en général d’une prière humaine incorrecte, donc non exaucée. Une prière qui impose à Dieu nos propres désirs plutôt que de rechercher et d’accepter les siens. Pourquoi l’Ukraine ou Gaza ne trouvent-elles pas la paix, alors que Toi, le tout-puissant, tu pourrais l’imposer ? Ton silence n’est-il pas le signe de ta non-existence ? Le doute existe parce que nous prions mal. Notre volonté n’est pas forcément conforme à la volonté divine. Dieu n’est pas une marionnette à l’écoute du moindre de nos désirs et fantaisies.
Thomas se rend à l’évidence quand Jésus l’interpelle directement et personnellement. Comme la Marie du matin de Pâques quand Jésus l’appelle par son nom. Signe que la foi est d’abord une relation intime et active entre le croyant et son Dieu. La foi ne conclut pas un marchandage où l’homme impose ses conditions à un Dieu censé les accepter. « Sursum corda ! »
Enfin, cette remarque de certains « croyants-douteurs » : non seulement foi et doute ne s’opposent pas, mais marchent souvent au même pas. On nous dit que les saints n’échappent pas à cette contradiction. Douter pourrait revigorer une foi endormie ou assoupie. J’ai toujours admiré le « videtur quod non » dans l’intitulé des articles de la Somme Théologique de Thomas d’Aquin. Cette expression signifie que mettre en doute le contenu de la foi, c’est aussi la défendre et la préserver. Le doute fait sortir le loup du bois de l’incroyance. Il permet de l’identifier et de le combattre.
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