Zundel 50 ans après sa mort
- Fr. Guy
Charlotte Jousseaume. Quatuor mystique. Cerf, 2017
Je retrouve un livre paru au Cerf en 2017, Quatuor mystique, un ouvrage perdu dans une pile d’autres œuvres face à ma fenêtre. Un livre écrit par Charlotte Jousseaume, intéressée par les mystiques chrétiens. Elle choisit d’en présenter quatre : Jean de la Croix, Pierre Teilhard de Chardin, Silouane et Maurice Zundel. Tous les quatre ont connu la nuit. Ils en sont ressortis porteurs d’une lumière vive.
Une vingtaine de pages de ce livre évoquent "la nuit" de Maurice Zundel, un prêtre de mon diocèse que j’ai connu dans ma période lausannoise (1965-1970). En 2025, on commémore le demi-siècle qui a suivi sa mort, survenue en 1975. Il a fallu ces cinquante ans pour donner à sa pensée et à son expérience mystique une stature internationale.
Le Salon du livre de Genève 2025 présente les œuvres et le parcours de vie de Zundel avec le concours de fins connaisseurs de sa pensée, tels que l’abbé Marc Donzé, chargé de la publication intégrale de ses écrits. À l’occasion de cette manifestation littéraire, dont la renommée déborde les frontières de la cité de Calvin, les Éditions Cabédita présenteront une anthologie zundélienne intitulée Devenir libre.
Ma présentation, toutefois, tiendra compte des quelques lignes que Charlotte Jousseaume consacre à Maurice Zundel.
La nuit de Zundel se situe au Caire en 1945, après l’explosion de deux bombes nucléaires au Japon. Elle durera longtemps, d’août à novembre de cette année-là. Une nuit sans sommeil, mais non sans prières. Zundel ressent au plus profond de lui-même la détresse de l’autre. « Maurice accepte de prendre la dernière place, celle du survivant perdu au milieu du désert nucléaire, le cœur en cendres. Il sait que de l’horreur peut jaillir une source de vie. De cette guerre, de ces massacres, de ces charniers, de ce désert nucléaire peuvent se lever des hommes qui construiront la paix. Il lui faut garder la force de l’espérance sans esquiver la souffrance de la Croix. Rester l’intime de la lumière. Porter dans la prière la blessure de cette mort inouïe. »
Mais Maurice n’en reste pas là. Il est un amoureux de la science, dont le but est de créer des rencontres et non pas de les détruire, comme ce fut le cas au Japon. Maurice annule alors toutes ses rencontres extérieures pour s’enfuir dans un profond silence. Il est à sa table de travail. Il ne la quittera plus. Il descend au fond de la souffrance de Dieu pour s’élever avec lui...
L’éveil n’est pas pour tout de suite, ni au son du réveil. Maurice désire consacrer au silence le temps qu’il faudra pour veiller sur les morts. Tant que le cri du Christ résonnera en lui, il lui faudra faire silence et offrir son silence, ne pas parler avant de prendre la parole pour s’adresser aux survivants. Que ces survivants deviennent des vivants, des personnes libres et responsables.
On ne sait combien de temps va durer ce silence. Notre auteure finit par nous dire que Maurice a repris ses promenades, marchant dans la rue, le regard plongé dans son bréviaire. Il danse.
Il rencontre un mendiant. Ce mendiant face à lui n’est pas qu’une main tendue, mais un visage, une fenêtre ouverte où entre la lumière du Christ.
La fête de la Toussaint élargit encore le cadre de la fenêtre. Il y a désormais urgence à revenir au monde, à consoler de nouveau ceux qui pleurent, à compatir à leur souffrance. Maurice se met à prier Marie, puisque l’humanité est comme en enfance après la guerre, une enfance qui n’ose pleinement choisir la vie.
Après la Toussaint 1945, la vie normale de Maurice reprend son cours : sa correspondance, la rédaction de ses livres, ses conférences. Sa notoriété s’élargit jusqu’au Vatican, où Paul VI l’invite à prêcher. Sans doute, la méfiance à son égard de certaines autorités ecclésiastiques n’est-elle plus qu’un mauvais souvenir. Tant d’amis et d’amies ont pris le relais pour l’aider.
Une question demeure : d’où l’auteure, Charlotte Jousseaume, tient-elle ces confidences spirituelles qui, à première vue, n’appartiennent qu’à Maurice Zundel ? Je ne les mets pas en doute. Elles révèlent sa spiritualité profonde. L’auteure n’est pas seule pour en témoigner.
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