Vers l'Orient

L'homélie du frère Philippe-Emmanuel Rausis pour ce 2ème dimanche de l'Avent

Ba 5,1-9 / Ps 125 / Ph 1,4-11 / Lc 3,1-6

« Debout, Jérusalem : tiens-toi sur la hauteur et regarde vers l'Orient ! » (Ba 5,5). Cette mention du prophète Baruch nous invite donc à nous tenir debout et à nous tourner vers l'Orient. Pourquoi vers l'Orient ? Cette recommandation – constante dans toute la tradition chrétienne – revêt une énorme importance. Se tourner vers l'Orient, c'est d'abord diriger son attention vers un point précis. Ensuite, ce point vers lequel nous sommes appelés à nous tourner se situe à l'Orient, c'est-à-dire du côté du soleil levant : ce soleil qui a pris, dans la littérature chrétienne, une valeur hautement symbolique, puisqu'il représente le Christ qui surgit dans nos ténèbres et vient nous illuminer. Cela nous place d'emblée dans une perspective cosmologique : c'est-à-dire une des dimensions essentielles de la vie chrétienne, presque complètement ignorée de nos jours.

Durant très longtemps et, grosso modo, jusqu'à la Révolution française, les églises étaient toujours bâties de manière à ce qu'elles soient tournées vers l'Orient : l'assemblée et le prêtre qui en est la tête, offraient leur prière à la Source de la Lumière. Pensez à toutes nos cathédrales gothiques, à toutes nos églises romanes, à tant d'édifices religieux qui, partout dans le monde, obéissent à cette règle. Pourquoi donc donner tant d'importance à cette orientation, aussi bien dans l'Église catholique qu'orthodoxe ? Sommes-nous encore capables d'en saisir la raison aujourd'hui ? Pourtant, cela nous aiderait à inscrire notre pratique religieuse dans la réalité de ce monde, à mieux incarner cette foi que nous confessons et dont nous voulons vivre.

Je me souviens d'un vieil ermite d'origine allemande – Dom Gabriel –, installé en pleine campagne, pas loin de Locarno en Suisse italienne, et qui disait à ceux qui venaient le consulter : « Vous voulez un conseil tout simple sur la prière ? Eh bien ! commencez par orienter votre prière et vous verrez que cela changera tout. » Et ce conseil ne s'applique pas seulement à la prière : c'est toute notre vie de croyants que nous devons orienter. À cette époque qui accorde tant d'importance aux “questions d'orientation”, quelle tristesse de voir que ce mot a été dépossédé de sa signification première, puisque nous nous “orientons”, indifféremment, vers le Nord, le Sud, l'Est ou l'Ouest. Alors que s'orienter signifie se tourner vers l'Orient. En vérité, ce n'est pas le Nord que nous avons perdu, mais bien l'Orient ! Il est intéressant de noter que nos frères monothéistes – juifs ou musulmans – ont eux-mêmes conservé cette habitude de diriger leur prière, les uns vers Jérusalem, les autres vers La Mecque ; et que cette réalité que nous avons perdue a gardé pour eux une grande importance.

De fait, il y a deux domaines dans lesquels nous pouvons nous orienter : d'abord, dans l'espace, en nous dirigeant vers un point déterminé ; ou alors dans le temps – comme nous le faisons durant l'Avent –, en portant notre attention sur un événement avenir. Dans l'espace et dans le temps. C'est bien là que nous sommes invités à établir notre foi, à fonder notre espérance, à incarner notre amour, afin que tout converge vers le Christ. N'est-ce pas ce que lui-même nous indique : à abandonner le “ciel des idées” pour faire irruption sur notre terre, dans notre espace et dans notre temps ? En un point précis – la bourgade de Bethléem –, le voici qu'il voit le jour à une époque précise de notre histoire : « l'an quinze du règne de Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode régnant en Galilée. » À cet endroit-là, à ce moment précis, voici qu'un enfant vient au monde ; et que cet enfant – point minuscule au milieu du monde – est celui qui porte en lui l'immensité de l'univers, puisque ses mains l'ont créé.

Bien que notre vie tout entière soit soutenue par le désir de la rencontre avec ce Fils d'homme, il nous est bon, dans le cadre du temps que nous vivons, de déterminer des moments spécifiques – comme celui de l'Avent –, où nous nous réorientons consciemment vers cet événement qui doit venir et que nous attendons pleins d'espérance. La conscience de tout cela est restée beaucoup plus vive chez nos frères orthodoxes, où la liturgie continue d'être orientée. Chez nous, cette notion a malheureusement perdu toute espèce de signification. Et cela n'est pas un hasard ! Après cette tragique rupture entre l'Orient et l'Occident, en l'an 1054 de notre ère, après cette déchirure qui a lacéré la tunique du Christ – ce que même les soldats au Calvaire n'avaient pas fait –, quelque chose de grave est arrivé de notre côté. Cela peut paraître une évidence, mais l'Occident a vraiment perdu l'Orient... c'est-à-dire qu'il s'est désorienté.


Le frère Philippe-Emmanuel Rausis, de notre Vicariat, est dominicain depuis 1986. Après un long séjour au Mexique, il est, depuis cinq ans, aumônier du monastère des soeurs de Bethléem, dans le massif des Voirons (Haute-Savoie).

Poème de l'âme 16 : Le vol de l'âme, Louis Janmot, 1854 (Wikipédia)

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