Un Père de l'Église sorti de l’oubli
- Fr. Guy
Ce n’est pas la première fois que mon blog parle d’Irénée de Lyon. Le frère Sylvain Detoc, bien connu de notre communauté dominicaine genevoise et même de ce blog, est un spécialiste averti de cet évêque de Lyon du deuxième siècle, auteur du fameux traité : « Contre les hérésies ». En fait, contre les théories gnostiques qui, selon Irénée, pervertissaient la foi chrétienne de son temps.
Marie Laure Chaieb, enseignante à l’Institut Catholique de Lyon, entreprend de le faire découvrir à ceux et celles qui trouvent Irénée « fascinant, mais trop difficile à lire ». C’est à leur intention que cette auteure très qualifiée publie et commente douze textes fondamentaux de cet évêque, écrits à une époque où les chrétiens sont encore persécutés. Pour lutter contre les gnostiques, Irénée prend la plume sans se soucier d’artifices littéraires. Son texte ne contient pas seulement une réfutation de l’hérésie, mais encore des réflexions sur l’anthropologie chrétienne, sur l’histoire du salut et sur l’Église. Aujourd’hui encore, Irénée demeure un guide sûr dans un paysage religieux éclaté. Est-ce la raison pour laquelle le pape François l’a nommé docteur de l’Église en 2022 ?
L’auteure a soin de préciser que les douze extraits sélectionnés ont été présentés non pas dans l’ordre de leur apparition dans l’œuvre d’Irénée, mais selon une progression capable de faciliter leur compréhension.
Mais qui est donc Irénée de Lyon ? Selon l’auteure, nous ne disposons que de très peu d’éléments biographiques à son sujet. Ils sont donc d’autant plus précieux. On ne connaît pas avec exactitude sa date de naissance. Mais nous savons qu’Irénée est un oriental venu de Smyrne à Lyon. Une ville – aujourd’hui Izmir en Turquie – où le christianisme s’était établi de longue date puisque l’Apocalypse de Jean fait référence à une communauté chrétienne présente dans cette ville.
On sait aussi qu’Irénée est disciple de Polycarpe de Smyrne, disciple de l’apôtre Jean. Cette continuité est précieuse pour Irénée. Il se situe dans la transmission directe de la foi qui vient des apôtres. Un argument dont il se sert pour réfuter et combattre les gnostiques. Sans doute, avait-il déjà rencontré à Smyrne ces hérétiques avant de les retrouver à Lyon.
Beaucoup de chrétiens vivant à Lyon à cette époque (sous l’empereur Marc-Aurèle à la fin du deuxième siècle) sont originaires d’Asie Mineure, comme Irénée. Pourquoi furent-ils attirés par Lugdunum ? Pour entretenir et développer des relations religieuses et mercantiles entre ces deux pôles méditerranéens ? Ce qui est certain est qu’Irénée succéda juste après 177 à l’évêque de Lyon Pothin, décédé du fait des mauvais traitements subis lors de la persécution de Marc-Aurèle.
L’église St-Paul de Genève qui abrite la fresque marouflée de Maurice Denis propose aussi à l’admiration de ses fidèles et visiteurs un vitrail démontrant la continuité de la prédication évangélique sur les rives du Rhône depuis le deuxième siècle jusqu’au curé Jaquet, fondateur de ce lieu de culte au début du vingtième. Ce prêtre est peint à genoux recevant l’ordination sacerdotale des mains d’un des premiers évêques de Lyon. Je ne cesse de contempler cette baie lumineuse chaque fois qu’il m’est donné de pénétrer en ce lieu. Nous sommes des nains portés sur les épaules des géants.
Ce fascicule ne contient à son sommaire que 12 très courts chapitres au contenu varié : L’intelligence de la foi ; La gloire de Dieu ; Jésus, le Christ ; La croissance de l’homme ; Recevoir l’Esprit ; L’exercice de la liberté humaine ; Croire en quel évangile ? ; La tradition vivante ; Eve et Marie ; L’eucharistie ; La mort et la souffrance. De quoi imprégner le lecteur pressé de la théologie et de la spiritualité d’Irénée de Lyon.
Mais reste à savoir si son enseignement est encore actuel. Autrement dit, les gnostiques modernes peuvent-ils se reconnaître dans ceux qu’Irénée combattait jadis ? Les toutes dernières lignes de cet ouvrage abordent ces questions. Et, tout d’abord, où se cachent les gnostiques de notre époque ?
Selon notre auteure, qui cite le magistère récent, surtout les écrits du pape François, même si les gnostiques de notre époque n’ont guère de liens historiques avec ceux que côtoyait Irénée, ils s’en rapprochent pourtant notamment par leur mépris pour l’Église. Persuadés par leurs convictions intérieures, ils découvrent un salut réservé à quelques-uns. Ils sont réticents à tout dialogue et éprouvent une répulsion envers l’incarnation de la foi dans la vie. En fait, « une foi enfermée dans une subjectivité où seule compte une expérience déterminée ou une série de raisonnements et de connaissances que l’on considère réconfortantes et éclairantes, mais où le sujet reste définitivement fermé dans l’immanence de sa propre raison ou de ses sentiments » (Pape François, Evangelii Gaudium).
Mot de la fin !
Marie Laure Chaieb nous dit en conclusion qu’Irénée compare l’Église à une caravane en marche plutôt qu’à un caravansérail endormi ou à une citadelle assiégée. Il rêvait sans doute de voir les gnostiques marcher un jour avec lui sur le même chemin. De même qu’il recommandait aux chrétiens de percevoir ce qui pouvait avoir de bien chez les gnostiques.
Sans que cet ouvrage n’y fasse allusion, on sait aussi l’engagement d’Irénée pour fixer une date de la fête de Pâques susceptible d’être acceptée par tous les chrétiens, qu’ils fussent orientaux ou occidentaux. Il fut non seulement canonisé, mais proclamé « docteur de l’unité ». Encore un trait qui le rapproche de nous.
Kommentare und Antworten
Sei der Erste, der kommentiert