Un père à la recherche de sa fille

Lettres à Nour. Rachid Benzine. Editions du Seuil, 2019, 94 p.

Ce n’est pas le premier livre de Rachid Benzine que je présente sur ce site. Ce présent ouvrage a pris un peu d’âge depuis sa publication, sans ne rien perdre pour autant de l’actualité de son message : l’amour qui lie deux êtres proches est plus fort que tous les dogmes qui les opposent ou les séparent.

Le sujet développé dans ce livre est précisément un « fait divers » si courant dans les années où Daesh attirait dans ses rangs en Syrie ou en Irak des jeunes gens de familles musulmanes bien intégrées dans leur milieu de vie influencé par la culture moderne occidentale. Ce livre se présente comme un roman qui reflète les préoccupations de son auteur, un intellectuel musulman ouvert au christianisme et au judaïsme, partisan d’une lecture du Coran qui ne donne aucune prise à l’intégrisme. Ce qu’attestent ses publications plus récentes.

La rédaction de son livre est le fruit de plusieurs lectures et entretiens préliminaires, avec des jeunes notamment et fut suivie de multiples mises en scène qui ont connu un vif succès. Quelques 59 lignes de la postface rédigée par l’auteur font le bilan de cette entreprise littéraire :

« On n’est jamais seul dans l’épreuve de la violence, tant que subsistent les livres et le don de leur écriture. Mettre entre la violence du monde et soi-même, entre la violence et nous, le rempart des mots qui forcent à l’écoute. Je me souviens de ce professeur de lycée qui me dit, après avoir vu la pièce avec ses élèves que pour la première fois ils avaient pris le temps d’écouter sans interrompre. C’était cela que je recherchais dans la forme littéraire ; déposer des visions du monde opposées dans des lettres où chacun pouvait défendre son point de vue sans être coupé… Arriver à parler sans se juger ou se détester (…).

Le dialogue entre ce père et sa fille Nour est comme un temps suspendu où les idées se combattent tandis que les cœurs se rejoignent un peu plus, une parenthèse qui pose les fardeaux, mais sans annihiler l’amour … Par le livre ou sur la scène donner au monde des moments d’amour pur. ».

Sans doute, mais à quel prix ? J’avais d’abord cru comprendre que ce roman – car, je le répète, ce livre est un roman ! – n’était qu’un combat d’idées, un match au score nul entre deux êtres qui s’aiment, mais détestent les idées de leur partenaire. J’ai dû attendre la lecture des dernières pages pour percevoir l’horreur de ce jeu que je comparais d’abord à une innocente partie de sport intellectuel. Oui, finalement, l’amour est vainqueur, mais sur un fond de crimes odieux que je me refuse à évoquer et décrire pour respecter la paix intérieure des lecteurs éventuels de ce livre. Il fit de ma dernière nuit un cauchemar. Je ne le recommande donc pas aux « natures sensibles » et regrette même d’en avoir parlé.

Il y a dans notre monde violent suffisamment de moments de douceur et de tendresse pour ne pas nous laisser prendre par les extrêmes de la cruauté. Je fais confiance au Dieu de Jésus-Christ qui m’ouvre une voie d’amour.