Un nouveau Léon XIII ?

  • Fr. Guy

Le portrait d’un missionnaire devenu pape

Samuel Pruvot, Léon XIV, l’apôtre de la paix. Salvator, 2025, 158 pages.

Deux mois après le conclave qui a décidé de son élection à la papauté, Léon XIV n’a pas suscité une déferlante éditoriale. Du moins, dans le monde francophone. Ce cardinal était trop méconnu de nos médias pour attirer leur attention. Son élection fut une réelle surprise. Quasiment personne hors du conclave ne s’y attendait.

Aucun papier n’avait donc été préalablement rédigé pour saluer cet événement. Mais l’édition étant ce qu’elle est et le profit ce que nous savons, il fallait s’y mettre. Deux éditeurs français ont relevé ce défi en appelant à leur secours des journalistes compétents et reconnus. Le temps était trop bref et les matériaux insuffisants pour rédiger une biographie très développée du nouveau pape. Deux opuscules de quelque 150 pages chacun servent d’amorces à une œuvre littéraire plus conséquente que nous attendons. Je me contente pour l’instant de deux modestes parutions que je tiens dans mes mains.

Je ne ferai que mentionner celle de Christophe Henning : « Léon XIV. Le successeur inattendu » paru aux Éditions Artège. Non que je veuille discréditer le journaliste de La Croix qui en est l’auteur. Des critères plus décisifs ont dicté mon choix en faveur de l’ouvrage mentionné plus haut.

Tout d’abord, le sérieux des Éditions Salvator, puis la notoriété de l’auteur, Samuel Pruvot, reporter au magazine Famille chrétienne. De quoi ouvrir mon appétit et susciter mon désir de connaître davantage Léon XIV.

Cette recension pourrait me suffire à franchir ce tout premier pas. L’ouvrage commence par un avant-propos de Marc Leboucher, directeur littéraire des Éditions Salvator. Ce personnage a eu le privilège de prendre un repas à la Maison Sainte-Marthe avec le nouveau pape le lendemain de son élection. La page de couverture reproduit la photo prise à cette occasion. Naturellement, les deux convives ont parlé du projet de ce livre.

Je m’arrêterai de préférence aux éléments biographiques du pape Léon encore peu connus, plutôt qu’aux tractations cardinalices supposées ou réelles qui précédèrent son élection. L’auteur, me semble-t-il, dispose sur ce sujet de quelques données ignorées du grand public.

J’apprécie l’intitulé de ces passages autobiographiques : « Un missionnaire au Vatican ». Autrement dit, le nouveau pape est membre d’une congrégation religieuse, l’Ordre des Augustins, dont les membres étaient d’abord destinés à servir l’Évangile hors de leur terre natale. C’est au Pérou en effet que Léon passa le plus clair de son temps. Mais il était états-unien puisque Robert Prévost vit le jour à Chicago le 14 septembre 1955. Une famille modeste sans doute, mais qui échappa par miracle à la crise économique des années 30 et à la désindustrialisation qui suivit. La ville était administrée alors par un maire démocrate intelligent et efficace.

Comme tant d’autres Américains de cette région, les ancêtres du nouveau pape étaient des immigrés provenant de divers pays et partageant diverses cultures. Beaucoup de sang mêlé chez les Prévost : français, espagnol et même créole. Une famille de classe moyenne, catholique, fréquentant l’église et le milieu paroissial. Les prêtres sont reçus à la table familiale si bien que Robert s’imprègne facilement de cette ambiance spirituelle.

Mais 1955, c’est aussi la création de Walt Disney, de la civilisation américaine du loisir qui va s’accompagner d’une certaine déchristianisation tout en faisant référence à Dieu.

Le père de Robert, d’ascendance française et italienne, ancien militaire, est directeur d’école. Robert héritera la multiplicité culturelle de sa famille. Il parle l’anglais naturellement, mais aussi l’espagnol. Il comprend le français et le portugais, et lit l’allemand.

Avec ses parents et ses deux frères, Robert grandit à Dolron, petite ville de la banlieue sud de Chicago. Une vie sans histoire, commente notre auteur. Un frère de Léon, qui fut aussi son confident, n’a jamais douté de sa vocation sacerdotale. Alors que ses deux frères s’adonnaient aux jeux des garçons de leur âge, Robert jouait à la messe ; une planche à repasser lui servait d’autel.

Pourquoi mentionner ces pieux et ridicules enfantillages, si ce n’est pour manifester que cette famille était profondément ancrée dans la prière et la tradition catholiques. Un îlot dans cette métropole multi-religieuse et multi-culturelle, dominée par le clocher paroissial qui était le véritable centre de ralliement de la minorité catholique de cette banlieue. Cet enracinement particulier n’empêcha pas Robert d’être un fan de baseball. Une passion sportive qui l’accompagna au Vatican. Bref, Robert était un enfant et un adolescent américain sans histoire, qui grandit paisiblement en discernant sa vocation. Elle aussi fut sans histoire. Mais Dieu l’attendait au détour. Ce ne fut pas l’ange Gabriel qu’il envoya auprès de lui, mais saint Augustin.

Ses classes primaires achevées à l’école paroissiale, Robert poursuit ses études jusqu’en 1973 au séminaire de l’Ordre de Saint-Augustin établi dans sa région. En 1973, il s’inscrit à l’université Villanova près de Philadelphie où il réussit en 1977 un bachelor en mathématiques. Son biographe lui attribue une double qualification. Robert est à la fois chrétien et cartésien.

Mais Descartes ne l’empêchera pas de rejoindre les Augustins le 1er septembre 1977, chez lesquels il prononcera ses premiers vœux, puis sa profession solennelle en 1981. L’année suivante, il obtient un diplôme en théologie à la Catholic Theological Union de Chicago. Notons en passant que l’Ordre des Augustins, ou OSA, est l’un des quatre Ordres mendiants fondés au XIIIᵉ siècle avec les Franciscains, les Frères Prêcheurs et les Carmes. Il compte aujourd’hui environ 2 500 membres répartis dans une cinquantaine de pays dont le Pérou, où se rendra Robert pour de longues années. Faut-il ajouter que la Règle de ces religieux est celle écrite par saint Augustin lui-même au IVᵉ siècle ?

Robert sera ordonné prêtre à Rome en 1982. Il a 27 ans et prépare une licence en droit canonique à l’Angelicum, université pontificale dirigée par les dominicains. Il obtiendra ce titre académique en 1984.

Rentré au pays, ses supérieurs ne tardent pas à l’envoyer comme missionnaire au Pérou, là où son Ordre est présent. Précisément, dans le territoire de Chulucanas sur les contreforts andins. Ce n’est pas un évêché, mais une prélature qui pourrait devenir un jour un diocèse. Le jeune canoniste romain exercera son art comme chancelier de cette prélature. Mais il ne négligera pas la pastorale, visitant les paroisses rurales, parlant occasionnellement leur langue maternelle. Mais il n’abandonne pas ses études pour autant. Une année après son arrivée au Pérou, il soutient une thèse en droit canon sur le rôle du prieur dans son Ordre. Ses compétences seront appréciées dans ce pays en pleine crise économique, après avoir subi les exactions de la dictature militaire et celles du Sentier lumineux.

En 1987, Robert est rappelé aux États-Unis. Il retourne à Chicago pour devenir promoteur des vocations et directeur des missions de son Ordre. Un court intermède puisque, en 1988, il repart au Pérou et passe les dix années suivantes à diriger le séminaire des Augustins de Trujillo. Ce qui ne l’empêchera pas de fonder une paroisse dans un quartier défavorisé de cette ville, dont il sera aussi le curé.

Cette région fourmille de sites précolombiens. Nouvelle question pour le missionnaire qui est aussi le futur pape : comment annoncer Jésus-Christ dans un tel contexte ? En respectant cet acquis religieux, sans se contenter de plaquer sur cet univers antique des recettes culturelles occidentales.

Le Père Robert ne pourra réfléchir longuement sur cette question fondamentale. En 1999, retour au bercail américain. Il est élu provincial des Augustins de sa région d’origine couvrant le Midwest états-unien. Il sera élu en 2001 prieur général de son Ordre et réélu pour un second mandat. Cette charge lui permettra de visiter une cinquantaine de pays qui hébergent des communautés de son Ordre. Mais son chemin se poursuit. En 2014, le pape François le nomme administrateur apostolique du diocèse péruvien de Chiclayo, confié depuis longtemps aux Augustins. Il devient évêque titulaire de ce diocèse en 2015 et obtient la même année la nationalité péruvienne. La ville de Chiclayo, située au nord-ouest du Pérou, est plus proche des frontières équatoriennes que de Lima, capitale du pays.

En janvier 2023, il répond à l’appel du pape qui le nomme responsable de la Congrégation des évêques. Nouveau tournant qui risque d’être définitif avec son élection pontificale. Mais au début de 2023, Robert est loin de s’en douter. Il recevra sa barrette cardinalice un peu plus tard, avant de bénir la foule acclamant son nouveau pape un certain 8 mai 2025.

L’auteur du livre s’est particulièrement informé auprès des proches de Robert et de ses collègues cardinaux. Tous apprécient sa retenue, sa patience et son désir de paix et d’unité dans l’Église et la société. Léon est-il le pape idéal pour affronter les défis de son temps ? Je ne suivrai pas l’auteur de cette brochure dans ses suppositions. Alors, j’attends pour voir ? Mieux que cela. Les prémices sont bonnes et encourageantes. L’Esprit qui conduit le pape et l’Église nous le confirmera. J’en suis sûr.

Cette image a été créée avec l'aide de DALL·E.

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