Le cou sur la guillotine de l'oubli ?

Interview avec le frère Rémi-Michel Marin-Lamellet

Né en 1994, le frère Rémi-Michel Marin-Lamellet est fils de la Province de France de notre Ordre, dont le siège est à Paris. Il nous a rejoint à Fribourg en septembre dernier et poursuit ses études de théologie à l'Université.

Nouveau dans la communauté, le frère Rémi-Michel a de nombreux centres d'intérêt que peu connaissent. Il partage son histoire et son témoignage avec la Rédaction dans cette brève interview :

La Rédaction : Bonjour, frère Rémi-Michel ! Merci de prendre le temps de nous accueillir aujourd'hui…

Frère Rémi-Michel Marin-Lamellet : Avec plaisir cher frère ! Merci à toi.

Réd. : Alors, tu es venu à Fribourg il y a quelques mois pour étudier – mais dans quel domaine ?  

RMML : Je suis venu à Fribourg pour faire le Master de théologie et pour terminer ce qu'on appelle le baccalauréat canonique. Je suis encore au milieu de mes études de théologie, mais ce que je discerne de plus en plus c'est ma passion pour l'Histoire. En fait, j’ai cette passion depuis l'adolescence. Le soir, plutôt que de lire un bon roman, je préfère lire des biographies, des autobiographies, des livres d'histoire sur la peste en Provence au 18e siècle… 

Réd. : Très apaisant à l'heure du coucher...

RMML : Mais oui ! On fait de beaux rêves ensuite… Après, cela dépendra de mes supérieurs, de mes professeurs qui jugeront mes capacités intellectuelles et les besoins de ma Province…

Réd. : Cela va sans dire. (rires) Mais d'où viens-tu ?

RMML : Je viens d'un petit village à côté d'Orange, dans le sud de la France, et plus précisément dans le Vaucluse. Ce village s'appelle Camaret-sur-Aygues. 

Réd. : Ça a l'air charmant.

RMML : Ça l'est, je dirais. (rires) J'ai donc grandi à la campagne, entouré de vignes, avec à l'horizon le Mont Ventoux, qu'on appelle le Géant de Provence. Je viens d'une famille catholique mais qui ne pratique plus. Durant mon enfance, on m'a en revanche mis au catéchisme et nous allions régulièrement à la messe. Je reste encore attaché aux gens que j'ai connus durant cette période. Je me rend compte à présent de la chance que j'ai eu. Le curé de mon village était extraordinaire. Il m'a investi dans la vie de la paroisse : servant de messe, accompagnement à l'orgue... Il est devenu petit à petit mon accompagnateur spirituel jusqu'à mon entrée dans l'Ordre. 

Réd. : Il est vrai que peu connaissent ces expériences aujourd'hui…

RMML : C’est vrai… alors que c’est fondamental. Je ne savais pas que c'était ça, « faire église » ! Ma foi tenait grâce à eux... je me disais « si eux croient, cela doit être vrai »…

Réd. : Avec tous ces conseils et sûrement à travers de nombreux autres rebondissements, tu as réussi à atteindre l'Ordre des Prêcheurs. Et les frères me disent que tu as apporté avec toi pas mal de talents : en musique, voyages à l'étranger.

RMML : Ces rumeurs sont partiellement vraies. Je suis curieux, donc je me passionne pour à peu près tout. Mais j'ai deux domaines de prédilection : voyager et jouer de la musique. Ce sont deux choses qui me nourrissent, m'épanouissent. 

Réd. : Les frères musiciens sont toujours les bienvenus...

RMML : Tu dis vrai, on pousse toujours un frère à faire vivre ses passions. Je joue du piano, de l'orgue, un peu de flute, j'ai essayé de me mettre à la cithare... je suis peut-être un mauvais musicien, mais je trouve du plaisir à jouer et écouter. 

Réd. : Et tes voyages ?

RMML : Concernant les voyages, difficile de donner un seul endroit ! J'ai eu le bonheur de passer cinq mois à Jérusalem, six mois à New Delhi et un an au Pérou avant d'entrer dans l'Ordre. Ce sont des expériences qui m'ont profondément marqué, bouleversé, transformé. J'ai ouvert les yeux et j'ai rencontré Dieu. Aujourd'hui, j'aime et j'aspire toujours à voyager, mais à des destinations moins lointaines. Mes rêves auparavant m'emmenaient dans des contrées inconnues. Ils m'emportent à présent tout près, dans la solitude d'une montagne ou même dans la foule d'une grande ville. Voir un bel arbre me rend heureux… 

 J'ai toujours connu l'Église petite, minoritaire, porteuse d’espérance. Je ne vis donc pas au crépuscule de mon Église mais à son aurore. 

Réd. : Au couvent St-Hyacinthe, on pourrait dire qu'il n'est pas nécessaire de voyager pour voir le monde, tant la communauté des frères est internationale. Que penses-tu pouvoir apporter à partir de tes propres expériences ? Par exemple, que peuvent apprendre les autres de l'Église qui est en France ?

RMML : Spontanément, je dirais « connaître une église en train de mourir pour ne pas refaire les mêmes erreurs que nous ». (rires) Mais ce serait de mauvaise foi. J'aime mon église de France, je l'aime de tout mon cœur, j'ai tant d'espérance pour elle. C'est peut-être pour ça que tant de choses me mettent en colère. 

Réd. : Je vois ce que tu veux dire...

RMML : Chaque Église a sa réalité. Heureusement, ce n'est pas parce que l'Europe est sécularisée aujourd'hui que le monde le sera aussi dans vingt ou trente ans. En France nous avons de grands saints, des lieux d'apparitions mariales, une tradition ancienne, une Église pluriséculaire. Tout cela n’a pas suffit et tout s'est presque éteint en deux générations. On nous voit souvent comme les derniers survivants aux pieds d'un immense cadavre. Ce n'est pas du tout l'impression que j'ai ! J'ai toujours connu l'Église petite, minoritaire, porteuse d’espérance. Je ne vis donc pas au crépuscule de mon Église mais à son aurore. 

Réd. : C'est assez paradoxale.

RMML : Je sais seulement qu'en France, nous sommes encore debout. Nous sommes toujours debout pour annoncer le Christ, la Bonne Nouvelle, et nous en vivons ! C'est peut-être inspirant. 

Réd. : Et pour l'avenir... ?

RMML : J'essaie de voir les choses dans une perspective à très long terme. Et cela me donne de l'espoir et de la joie. Il y a eu des siècles en France où on décapitait les moniales… des siècles où on jetait les chrétiens aux lions (à Lyon !). Aujourd'hui, nous sommes dans l'arène de l'indifférence, nous avons le cou sur la guillotine de l'oubli. Et pourtant, elle est toujours là, cette église de France. Je peux la voir s'éteindre; je sais qu'elle renaîtra dans cinquante ans, dans un siècle. La France, fille ainée de l'Église !

Réd. : Sur ce coup de trompette, je pense qu'il est bon de terminer notre petite interview. Merci d'avoir partagé avec nous si généreusement.

RMML : Merci beaucoup !

Le frère Rémi-Michel a un compte Instagram pour partager des photos et vidéos sur la vie d'un frère étudiant. Découvrez-le ici.

Le frère Rémi-Michel Marin-Lamellet en Amazonie péruvienne (toutes les photos de cet article sont gracieusement fournies par le frère Rémi-Michel)

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