Rencontre avec le frère Simon Meyer, co-fondateur de Disputatio
Hier, nous avons eu la chance de rencontrer le frère Simon Meyer, un jeune dominicain passionné par la théologie et la philosophie. Assigné à Fribourg, Simon est très engagé dans la création de nouveaux projets pour attirer les jeunes. C’est dans cet esprit qu’il a co-fondé Disputatio, un atelier de débat qui encourage les échanges sur des questions religieuses, philosophiques et culturelles.
Nous avons voulu en savoir plus sur cette initiative et ce qui l’a inspiré à la lancer…
La rédaction : Bonjour Simon ! On sait que tu travailles sur un nouveau projet. Peux-tu nous expliquer comment tout a commencé et quelle est cette nouvelle initiative pour les dominicains de Fribourg ?
Frère Simon Meyer : Bien sûr ! À l'origine, ce n'était pas seulement mon idée. Nous avons réalisé que reformer un groupe de jeunesse dominicaine était devenu difficile, et que notre façon traditionnelle d'engager les jeunes ne fonctionnait plus vraiment. Nous avons donc réfléchi à une nouvelle approche pour toucher la jeunesse de Fribourg. C’est avec les frères Rémi-Michel Marin-Lamellet, Yohan Bandelier et Michel Fontaine, ainsi qu’avec Anna, une jeune amie du couvent, que nous avons cherché des idées. De ces rencontres est née Disputatio, une série de débats.
Notre objectif est d'encourager des échanges constructifs tout en évitant les sujets trop polémiques, afin de ne pas susciter de tensions inutiles et de permettre un dialogue sincère.
Réd. : Qu'est-ce qui vous a amenés à choisir ce concept de débats ?
SM : Eh bien, c’est en discutant ici même, dans cette pièce, que l'idée a pris forme. Nous voulions un projet qui favorise l’échange d’idées et permette aux jeunes de s’engager intellectuellement. Très vite, l'idée d'un atelier de débat s'est imposée, et nous avons choisi de l'appeler Disputatio. Ce mot vient du latin, où il signifie à la fois « débat » et « discernement ». Ces deux sens sont liés, car pour aborder des questions complexes, il faut discuter et confronter les opinions, pour finalement arriver à une compréhension plus profonde.
Réd. : Pourquoi avez-vous choisi de créer un atelier de débat ? N’est-ce un peu dangereux ?
SM : (rires) Peut-être, mais cette approche est quelque chose de très lié à l'ordre dominicain, car dès le début, saint Dominique lui-même, puis saint Thomas d'Aquin, ont pratiqué la dispute pour arriver à une vérité plus complète. C'est donc sur cette base que nous avons créé cet atelier de débat. Aujourd'hui, il nous semble que les véritables débats n'existent plus vraiment. Sur les plateaux télé, par exemple, il ne s'agit souvent que de monologues où chacun essaie d'imposer son opinion. Nous voulons réapprendre à débattre, à chercher ensemble la vérité.
Réd. : Penses-tu que dans la société actuelle, il manque de véritables discussions ?
SM : Je pense que beaucoup de grands débats sont évités aujourd'hui, surtout quand il s'agit de sujets sensibles comme l'écologie, le féminisme, et d'autres questions complexes. On constate souvent une pensée uniforme qui empêche un vrai échange d'idées. Pour remédier à cela, nous avons lancé Disputatio. Notre objectif est d'encourager des échanges constructifs.
Réd. : Et comment choisissez-vous les sujets de Disputatio ?
SM : La plupart des thèmes sont choisis par les frères étudiants, en collaboration avec le frère Michel, sans fixer de programme strict à l'avance. Nous avons un ensemble de thèmes en réserve, et nous en sélectionnons un pour chaque session. Par exemple, le premier thème que nous avons abordé était « La religion est-elle l'opium du peuple ? », en référence à Marx. [Note de la réd. : cette session a fait l'objet d'un compte-rendu sur notre site, ici.]
Réd. : Mais plus précisément, comment se déroulent les sessions de débat ?
SM : Alors, lors des sessions, un modérateur est présent pour équilibrer le débat. Les débats sont structurés en trois parties : une présentation des thèses par les débatteurs, une discussion libre, et enfin un résumé des positions. Les échanges sont souvent enrichissants, même avec des personnes qui ne partagent pas notre foi.
Réd. : Y a-t-il des sujets que vous évitez ?
SM : Oui, nous avons décidé d'éviter les sujets les plus polémiques pour ne pas susciter de tensions inutiles ou des débats trop agressifs. Cela dit, nous cherchons quand même à aborder des thèmes qui concernent notre époque actuelle. L'objectif est de permettre un débat à la fois vigoureux et respectueux, où chacun peut s'exprimer sans crainte.
Réd. : Qu'en est-il du public ? Qui vient à vos débats ?
SM : Nous avons beaucoup de jeunes parmi le public, principalement des étudiants universitaires. Il y a aussi des personnes de notre couvent qui viennent. C'est un espace de réflexion et d'ouverture qui permet d'approfondir notre foi tout en dialoguant avec le monde contemporain. En moyenne, le public est âgé d'environ trente ans.
Réd. : Assez jeune, donc. Et comment préparez-vous ces débats ?
SM : Nous lisons beaucoup de livres pour nous préparer. Pour chaque débat, nous essayons d'explorer des ouvrages en lien avec le sujet, que ce soit des classiques ou des textes plus spécialisés. Par exemple, pour un débat sur le christianisme et l'anarchisme, j'ai lu des textes de Proudhon, Bakounine, et Kropotkine, ainsi que des ouvrages de théologie par exemple, le livre du frère Jacques-Benoît Rauscher, l’Église catholique est-elle anticapitaliste ?. Cela nous permet de bien comprendre les différentes perspectives et d'avoir des arguments solides.
Réd. : Mais dis-nous, quelle a été la réaction des participants aux débats ?
SM : Bah, je dois dire honnêtement que les participants sont souvent très intéressés et posent de nombreuses questions. C'est un moment de partage, et cela permet à chacun d'approfondir sa réflexion. Nous avons même eu des personnes qui se revendiquent anarchistes et qui ont participé à nos débats, ce qui a été très enrichissant. Cela nous a permis de préciser certaines choses et d'apprendre aussi.
Réd. : Et quels sont vos prochains thèmes de débat ?
SM : Le prochain débat aura lieu le 19 novembre, sur le thème « Le christianisme est-il nocif pour la planète ? », avec les frères Étienne d'Ardailhon Miramon et Marc Bellion. Nous avons aussi des thèmes plus légers, comme « Les piercings et les tatouages sont-ils chrétiens ? », mais aussi des sujets plus philosophiques comme le libre arbitre et Dieu. Nous essayons de varier pour toucher un public large et susciter des réflexions profondes.
Réd. : Comment faites-vous la publicité de vos événements ?
SM : Nous utilisons plusieurs moyens, comme des affiches papier que nous placardons un peu partout à Fribourg, dans les bars, à l'université, etc. Les affiches sont belles, grâce au talent du frère Rémi-Michel Marin-Lamellet, et attirent souvent l'attention. Nous faisons aussi de la publicité sur les réseaux sociaux comme Facebook et Instagram, ainsi que par WhatsApp. L'aumônier des étudiants à l'université, le frère Szymon Bialik nous aide également en affichant des annonces sur les différents sites de l'université.
Réd. : Quel est l'objectif profond de ces débats, selon toi ?
SM : Je dirais que ces débats nous permettent vraiment d'entrer en contact avec le monde contemporain et d'explorer des questions importantes pour notre foi. C'est une façon de dialoguer avec ceux qui ne partagent pas notre foi et de chercher la vérité ensemble. Cela nous aide à approfondir notre propre réflexion sur notre foi et à être plus à l'écoute des défis du monde actuel. C'est un cercle vertueux : plus nous approfondissons ces questions, plus nous comprenons notre foi, et mieux nous pouvons dialoguer avec le monde.
Nous remercions chaleureusement le frère Simon Meyer pour cet entretien. À travers l'initiative Disputatio, il nous montre qu'il est possible de redonner vie à la tradition du débat philosophique et théologique, en favorisant l'échange d'idées dans un esprit de respect et de quête de vérité. Ces débats permettent aux jeunes et aux moins jeunes de trouver un espace où l'on peut penser, questionner et approfondir sa foi, tout en dialoguant avec les réalités contemporaines.
Nous lui souhaitons beaucoup de succès pour les prochaines sessions et invitons tous ceux qui sont curieux à les rejoindre pour découvrir cette belle initiative.
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