Relier les générations dans l’exégèse biblique
- Fr. Guy
Ce livre se présente comme une série d’hommages (Festschrift) en l’honneur du frère dominicain Philippe Lefebvre, titulaire d’une chaire d’Ancien Testament à l’Université de Fribourg en Suisse.
Cet ouvrage, intitulé « Il porte du fruit en son temps », coordonné par le frère carme Baptiste Sauvage, paru aux Éditions du Cerf en 2024 dans la collection « Patrimoines », est le fruit d’un colloque de biblistes et de théologiens tenu à Fribourg également.
Dans le numéro de « Prêcheurs » de décembre 2024, le frère Erik Ross parle de cet ouvrage suite à un entretien avec le frère Baptiste qui en fut le coordinateur. On sait que ce genre de publications est habituellement réservé à des articles en souffrance dont les auteurs n’ont pas trouvé de revues assez dignes pour les faire paraître. Ces contributions peuvent être aussi assez éloignées des intérêts de l’auteur qu’elles veulent honorer. Après avoir lu le commentaire du frère Erik, je suis d’avis que ce livre ne mérite pas ces critiques. Toutefois, je n’aurais pas mentionné cet ouvrage trop spécialisé pour ce blog si le frère Erik Ross n’avait pas évoqué dans sa présentation le père Dominique Barthélémy (1921-2002), qui fut mon professeur d’exégèse biblique, désormais remplacé par le frère Philippe Lefebvre dans sa chaire.
Le frère Erik mentionne aussi le frère Adrien Schenker, bibliste renommé lui aussi, qui prit la succession du frère Barthélémy. Le frère Adrien fut mon co-novice et mon condisciple au cours de nos études fondamentales de théologie. Soit dit en passant, ce frère, à peine plus jeune que moi, est affecté d’une maladie oculaire plus grave que la mienne, sans que sa cécité ne puisse nuire à son travail scientifique ni rétrécir son vaste rayonnement de chercheur et de prédicateur très estimé.
Mais revenons au Père Barthélémy. Il révolutionna en son temps l’enseignement biblique à l’Université de Fribourg en le rendant accessible à une foule d’auditeurs éloignés des études académiques. Il arrivait que l’Aula Magna déborde d’auditeurs venus de tous horizons, en particulier des enseignants chargés à cette époque révolue de faire connaître la Bible à leurs élèves d’école primaire. Mon propre père venait l’écouter. Mais, « Autre temps, autres mœurs » !
Doué d’une rare éloquence et excellent pédagogue, il savait se faire comprendre et faire comprendre le mystère de Dieu. Son livre « Dieu et son image » rencontra un immense succès populaire au cours des années soixante. Je me souviens encore de son allocution prononcée lors de ma première messe dans mon village de Domdidier le 29 juillet 1962. Les invités admiratifs — ma parenté et les villageois — n’en perdirent aucun mot.
Retraité, le Père Barthélémy poursuivit jusqu’à sa mort son enseignement dans le cadre de retraites, de conférences et de nombreuses autres rencontres. Il fut un lien précieux entre les générations d’exégètes. Un institut de recherches bibliques fondé par lui porte encore son nom dans un quartier du centre de la ville de Fribourg. Le directeur actuel est le pasteur Himbaza, d’origine rwandaise. Le frère Adrien s’y rend chaque matin malgré son lourd handicap.
Même si je l’ai croisé et entendu, je n’ai jamais été « élève » du frère Philippe Lefebvre, ni inscrit à ses cours académiques. Je souligne cependant deux particularités déjà relevées par l’article que je présente sur ce blog. Tout d’abord, la formation littéraire du frère Philippe. Pour lui, la Bible est un tout que l’on ne peut comprendre que dans une vision d’ensemble, même si les auteurs sont divers dans l’espace et le temps. Un détail repéré dans l’Ancien Testament lui permet de mieux comprendre un thème néotestamentaire. C’est inattendu, insolite, mais profond.
Ma seconde remarque est toute à son honneur. Le frère Philippe est un auteur et un bibliste engagé dans le combat que mène son Église contre les fauteurs d’abus et prend la défense de leurs victimes. Dans sa contribution, Anne-Marie Pelletier le souligne à sa manière.
Je joins donc mes félicitations à toutes celles que le frère Philippe a déjà reçues et ma gratitude aux auteurs de ce « Festschrift ». En particulier au frère Erik Ross qui nous l’a fait connaître.
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