Paroles d’évêque
- Fr. Guy
J’avais présenté il y a peu de temps sur ce blog les entretiens de l’évêque Charles Morerod avec la journaliste Camille Krafft. Je ne résiste pas à l’envie de citer aujourd’hui quelques passages extraits des réponses de l’évêque. Ils nous permettront non seulement de mieux le connaître et le comprendre, mais encore de saisir la portée des débats et des problèmes de l’Eglise catholique de notre temps. Evidemment, pour autant que nous y soyons sensibles.
« Je suis déterminé à parler parce que j’aurais dû mourir en 2023 en raison d’un double hématome cérébral. J’ai l’impression de vivre une deuxième vie, médicalement improbable, qui me donne une énergie étonnante. Je pense qu’il faut changer la culture de l’Eglise catholique en profondeur, parce qu’il y a un problème systémique. Mais je constate à quel point c’est difficile. Cela ne se décrète pas d’un coup de baguette magique. C’est un problème dont la lenteur m’irrite. » op.cit. p.16
« Je comprends les personnes qui s’en vont. Mais il y a aussi des raisons de rester. J’ai l’impression de remplir un rôle d’entonnoir. Je dois rencontrer les personnes qui découvrent la foi aujourd’hui. Et je vois des histoires absolument magnifiques…Des histoires pas très médiatisées, mais tout de même un phénomène en augmentation. » op.cit. p. 39.
« Comment allons-nous comprendre le rôle spécifique du prêtre à l’avenir ? Que va-t-il rester après tous ces scandales ? Il faut chercher la question et on ne sait pas très bien où tout cela nous mènera. Il ne s’agit pas d’un doute radical – je crois que le Christ est présent dans son Eglise et qu’il continue à être attirant. Mais nous devons nous demander si nous permettons aux autres de voir le Christ ou si nous le cachons. C’est une question qui devrait toujours se poser dans la foi : une personne se dit chrétienne, mais en réalité qu’elle image donne-t-elle du christianisme ? Peut-être qu’elle le trahit . » op.cit. p 65 – 66
« Peu après avoir été ordonné prêtre en 1988, je suis allé faire des courses pour ma communauté dans un petit supermarché local de Genève. Une personne est venue me saluer chaleureusement, mais je ne l’ai pas reconnue. Elle m’a dit : « C’est normal, parce que je vous vois à l’église, mais vous n’arrivez pas à nous voir. Symboliquement, c’est extrêmement fort. On est mis à l’écart, face à une foule anonyme.(…) Le fait que je sois dominicain n’arrange pas les choses ; de même que les jésuites, nous sommes souvent perçus comme des intellectuels prétentieux qui méprisent un peu les autres. » op.cit.p. 91-92
Et voilà les tout derniers mots de Charles. A mon avis, ils résument assez bien sa position dans un débat où il s’expose sans trop s’exposer : « On ne voit pas toujours tout, tout de suite. Mais j’ai confiance en Dieu. Sinon, j’arrêterais. » (op.cit.p.180)
Après avoir lu avec plus d’attention cet entretien, mon enthousiasme primitif diminue de quelques degrés. Personne ne met en doute ou conteste le courage et même la persévérance opiniâtre mis en œuvre par Charles Morerod pour venir en aide aux victimes d’abus. Mais que d’atermoiements de sa part quand il s’agit de réformer les structures de l’Eglise qui semblent selon certains favoriser ce genre de travers. Qu’il s’agisse de l’accès des femmes au sacerdoce, de l’institution d’un diaconat féminin, du célibat obligatoire auquel sont soumis les prêtres ordonnés, du mariage religieux de couples homosexuels. Ces démarches n’encouragent pas la pédophilie et même lui sont étrangères ou indifférentes. Un seul mot dans la bouche de notre évêque pour ne pas entrée en matière : le risque de provoquer un schisme dans une Eglise qui fait profession d’universalité. Ajoutons peut-être une lecture trop rapide de quelques versets du Nouveau Testament qui semblent accréditer ce refus. Par-dessus tout, la crainte de voir diluée la spécificité du catholicisme si on ne le voit qu’à travers les lunettes de la modernité qui nous envahit.
Nous attendons de Charles des décisions cohérentes avec ses prises de paroles. Faut-il citer à ce propos la formule rapportés par la journaliste : « L’amour n’existe pas. N’existent que les preuves de l’amour » ?
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