Parole inhabituelle

  • Fr. Guy

Un pape parle de lui-même

Pape François. Des pauvres au pape. Du pape au monde. Dialogue. Entretiens coordonnés par Sibylle de Malet, Pierre Durieux et Loïc Luisetto. Editions du Seuil, 2022.

Malgré sa date de parution et la minceur de son format (121 pages), je souhaite que ce livre ne passe pas inaperçu. Bien sûr, l’auteur est connu. Je n’en dirai pas autant de ceux et celles qui s’entretiennent avec lui, des pauvres venus des quatre bouts du monde. Ils ne lui posent pas des questions profondes de théologie, mais veulent savoir simplement de quoi sont faites ses journées dans son appartement de la Maison « Sainte Marthe » et dans son bureau au Vatican. Et François se prête à leur questionnement avec franchise et simplicité.

« Le pape est un homme comme tout le monde »,  précise un sous-titre. Il dort et mange comme vous et moi. Surtout, il prie et travaille, ce qui est donc « rare ». Pas plus que ses éditeurs, je ne connais aucun pape qui se soit prêté à ce genre de dévoilement intime. Le Vatican est discret ; il redoute de divulguer quoi que ce soit sur la vie privée d’un pape en fonction. A peine un communiqué médical qu’il faut encore savoir interpréter lorsqu’il lui arrive d’être hospitalisé.

Je ne cacherai pas que ce livre m’a fait du bien. Nous avons vu le jour, François et moi, au cours de la même année 1936. Je me garderai de dire que nous sommes contemporains, tant sont divers les parcours de nos chemins de vie. Mais nous partageons sans doute quelque chose de l’usure des ans, de même que les questions qui accompagnent notre vieillissement.  

Je me contente de ne révéler ici que quelques réponses du pape François aux questions que lui posent les pauvres.  Je ne veux pas priver le lecteur du plaisir d’en découvrir  d’autres.

PS, Les citations qui suivent sont plutôt des glanures de réponses de François. Sans rien altérer de leur contenu, j’ai dû parfois les raccourcir pour respecter le format de mon blog. Je ne saurais trop recommander la lecture « in extenso » de ce petit ouvrage modeste dans sa dimension, mais au contenu riche et novateur.  

 

Quel est votre salaire ?

Je ne gagne rien. Rien de rien !... Mais ma pauvreté est fictive puisque je ne manque de rien. Mais c’est quand même un peu absurde que de devoir demander.

Vos moments préférés ?

C’est d’écouter de la musique. Et plus précisément Wagner.

Avez-vous eu une fiancée ?

Bien sûr que oui ! Nous étions un groupe de jeunes gens qui allions danser toutes les fins de semaine. 

Vous conduisez encore ?

Plus maintenant. J’ai eu un accident. Je vends les voitures qu’on m’offre. L’argent va à l’aumônerie pontificale où s’organise l’aide aux actions contre la pauvreté et la marginalité.

Qu’admirez-vous le plus chez les gens ?

La simplicité et la transparence.

L’incertitude

Quand il y a une incertitude sur une décision, il faut tourner, et retourner jusqu’à ce qu’on se décide… J’essaye de m’arrêter, de prendre le temps, de consulter les gens. Passer quelques jours et voir. 

Quel est votre modèle ?

Les personnes cohérentes entre ce qu’elles pensent, sentent et ce qu’elles font. Je supporte très mal la diplomatie. 

Vos défauts ?

Je suis soupe au lait… impatient… autosuffisant… 

Chef de l’Eglise ?

Le pape est un pauvre type. Le pape est un homme quelconque qui a les mêmes problèmes que n’importe qui. C‘est pourquoi il faut déposer sa mitre et déclarer : « Moi devant toi, Seigneur, je suis un homme. »  Après, tu remets ta mitre et tu dis ce que tu as à dire. 

La fidélité

Beaucoup de choses m’ont marqué. Les plus humaines. Surtout celles qui touchent à la générosité… Une chose que j’ai vue : la file d’attente des femmes devant la prison quand elles viennent rendre visite à leurs fils ou à leurs maris. Elles passaient outre la honte. Et tout le monde savait qui elles étaient… La fidélité. Cela m’a toujours touché et cela m’aide tellement. Tellement. »

L’avenir de l’Eglise

L’Eglise doit vivre au présent soutenue par le passé, la tradition. C’est faire aller de l’avant la tradition. Elle n’est pas un musée,  mais l’assurance du futur. Sans tradition pas d’avenir pour l’Eglise, car la sève vient des racines. La tradition est la foi vivante des morts ; en revanche,  traditionalisme est la foi morte de certains vivants. Les vérités de l’Eglise ne changent pas avec l’histoire, mais elles murissent. L’avenir de l’Eglise sera la croissance de sa tradition.

La vocation

Je ne l’oublierai jamais. J’ai entendu cet appel le  21 septembre 1954… Ensuite les choses sont allées lentement. Mais la certitude est née ce jour-là. La certitude d’un cadeau. C’était le jour de la fête de l’apôtre Matthieu, collecteur d’impôts appelé par la miséricorde de Dieu. C’est ainsi que je me ressens moi-même, dans cette miséricorde qui m’accompagne toujours.

Votre plus grand désir ?

Etre un bon prêtre.

Je ne m’étais jamais posé cette question.  Mais ma réponse vient du cœur.

L’espérance

Notre chemin vers Dieu est pavé de défauts. L’important reste d’avancer avec lui, en demandant pardon, en confessant ses péchés, mais en continuant d’avancer.

L’espérance est un cadeau. Nous ouvrir à ce don par la prière, le travail, ce que nous donnons aux autres. Nous devons veiller sur elle.

La prière

Elle est au cœur de tout… Quand je prie, je m’en remets aux mains de Dieu, en silence, en le laissant parler. La prière harmonise ma vie... La prière est ce que j’ai de plus important à faire comme prêtre, comme pape. Si je ne prie pas, ça ne va pas.

Le Seigneur touche le cœur et parle au cœur. Quand je lui demande quelque chose, il se fait un silence et soudain une idée me vient. Dieu toujours répond, mais à sa manière.

Se fâcher avec Dieu n’est pas un péché. C’est une manière de prier. Une manière de réclamer ce père… L’essentiel, c’est de parler à Dieu, de le chercher. Car Dieu se cache parfois.  

Paternité

J’ai certainement été père plus d’une fois. On m’a au moins donné le sentiment que je l’étais.

Marie

Je parle à Marie, comme un fils parle à sa mère. (Et François cite la fameuse phrase attribuée à Irénée de Lyon : Marie par son obéissance a dénoué les nœuds que la désobéissance d’Eve avait noués.)

La mort

Le Seigneur nous donne parfois des signes. Moi, par exemple, je suis aujourd’hui dans la fin de ma vie. C’est un autre rythme. Ce rythme change sans même qu’on s’en rende compte. La psychè ou l’âme m’ont porté à prendre conscience que j’arrive sur la dernière ligne droite. Ma prière se nourrit aussi de cela.

La paix

Il ne faut pas confondre paix et tranquillité. La paix est une harmonie intérieure que tu dois parfois porter avec la Croix. La paix est ce qui t’amène à une cohérence intérieure. Pour cela, il n’y a aucune recette, si ce n’est ouvrir un espace à l’Esprit créateur.

Les jeunes

Selon le cœur de Dieu, personne ne naît par hasard. Je ne saurais rien dire de plus.

Les jeunes sont les graines de l’avenir, la ressource neuve de la vie d’aujourd’hui. Ils sont le présent en marche. Mais il faut que cette jeunesse soit fortement enracinée dans le passé pour permettre le dialogue entre les générations. Les racines ne doivent pas non plus restées terrées. Elles doivent porter de nouveaux fruits. L’important : se mettre en chemin. Ne pas s’enfermer dans le désarroi. C’est précisément la foi qui nous fera aller de l’avant. La foi dans la vie. La foi en Jésus.

La mondanité

Pour me résumer je dirais : « Prends garde à la mondanité ! » C’est le pire des poisons. C’est la pire des tentations pour l’Eglise d’aujourd’hui. (Cf. cardinal de Lubac). Pire que celle de l’époque des papes concubinaires.

La porte

La porte c’est Dieu qui s’ouvre à nous. La porte est notre cœur. Est-ce que je prends possession de la porte pour ne laisser entrer personne ? Ai-je peur de frapper à la porte, ou bien est-ce que j’attends que l’on vienne me l’ouvrir sans frapper ?  Parfois il faut avoir l’humilité de frapper, parfois le courage de ne pas avoir peur d’ouvrir, car c’est Dieu qui veut entrer. Une fois rentré, il faut avoir la noblesse de ne pas refermer la porte derrière soi pour que d’autres puissent entrer.

Cette image a été créée avec l'aide de DALL·E

Kommentare und Antworten

×

Name ist erforderlich!

Geben Sie einen gültigen Namen ein

Gültige E-Mail ist erforderlich!

Gib eine gültige E-Mail Adresse ein

Kommentar ist erforderlich!

Google Captcha ist erforderlich!

You have reached the limit for comments!

* Diese Felder sind erforderlich.

Sei der Erste, der kommentiert