Pardonner : quand et comment ?
- Fr. Guy
Telle est la seconde demande de mon ami apprenti-théologien. Je n’y réponds que très brièvement, en me fondant sur mon expérience qui ne doit pas être trop différente de celle de beaucoup d’autres humains.
On vient de me rapporter les dernières paroles d’un psychanalyste croyant genevois adressées au prêtre à qui il demandait le sacrement du pardon : « Je crois que Dieu m’a déjà pardonné ; mais j’ai besoin de quelqu’un pour me le confirmer. » En fait, le rite et les paroles d’un homme, fut-il prêtre, ne pardonnent rien. Ils ne font que signifier et rappeler l’amour miséricordieux de Dieu qui, seul, efface le péché et opère le retour en grâce. Tout l’évangile déborde de paroles et paraboles de Jésus sur la nécessité du pardon à donner et à recevoir aussi. Une mine pour ceux qui ont du mal à entendre le mot « pardon ».
Si un commandement biblique nous prescrit de nous aimer nous-mêmes, il faut aussi apprendre à se pardonner à soi-même en reconnaissant ses propres erreurs et défauts. Ce qui est loin d’être facile et met en cause notre dignité personnelle et, pour tout dire, notre orgueil et notre estime de soi. Nous sommes souvent sans indulgence pour nous-mêmes alors que nous excusons volontiers la malveillance de notre entourage. Comme s’il nous était insupportable de nous sentir ou de nous savoir mal aimés. Nous ne supportons pas de n’être pas parfaits ou sous-estimés.
Un voisin m’avouait qu’il ne pardonnait jamais puisqu’il n’avait pas d’ennemis ! Était-il malvoyant au point de ne pas percevoir ses ennemis intérieurs qui faisaient le siège de son cœur ?
Pardonner ne signifie pas oublier l’offense, l’effacer ou la nier. Un seul sens : réparer l’offense en témoignant davantage d’amour à l’offenseur. Une amie me conseille d’implorer la bénédiction de Dieu sur une personne qui, j’imagine faussement, passe son temps à me détester. Elle a sans doute mieux à faire que de s’en prendre à moi. Qui suis-je pour mériter sa malveillance ?
Pardonner, c’est donner totalement, deux fois plus qu’à l’ordinaire, c’est aimer jusqu’au bout. Trouver quelque chose de bien en lui, même s’il est déplaisant.
Encore faut-il être entendu de l’offenseur. Il est capable de rejeter le pardon qui lui est offert ou s’en moquer. À cet effet, saisir les meilleures opportunités et prendre patience. Toutes les périodes ne sont pas favorables au pardon. Prier l’Esprit de nous faire découvrir le temps idéal (le Kairos !). Il en est de même des trêves ou des armistices. Certains diplomates de bonne foi s’acharnent à découvrir le moment favorable (Kairos) pour les proposer. Je soutiens leurs efforts.
Les mots de Jésus en croix m’interpellent : « Père, pardonne-leur. Ils ne savent pas ce qu’ils font. » Tout d’abord, c’est le Père qui est invoqué. C’est donc le Père qui pardonne les offenses faites à ses enfants. Ce qu’exprime la prière du « Notre Père » : le pardon de Dieu accompagne le nôtre : « Pardonne-nous, comme nous pardonnons. »
À travers ses mots, Jésus chercherait-il à excuser ceux qui lui faisaient du mal en le crucifiant ? Difficile d’aller sur cette voie. Le mal ou la torture sont toujours des actes mauvais, impardonnables par les humains. De prétendus ignorants comme les bourreaux nazis exécutaient des crimes odieux pour obéir aux ordres reçus. Ils ne sont pas innocents ou moins coupables pour autant. Le bien ne se réalise pas au prix du mal.
Cette réflexion me ramène au sacrement du pardon. J’en ai besoin pour être sûr de l’amour inconditionnel de Dieu à mon endroit. C’est le sens de la « confession ». Quant à la réparation des torts commis, comment le faire si les victimes ont disparu de notre horizon quotidien ? Il est vrai que j’ai connu un saint jésuite qui nous encourageait à pardonner aux défunts dont nous aurions été un jour les victimes. Il avait même prévu une liturgie à cet effet. Mieux vaut pardonner et recevoir le pardon sans trop tarder. Mieux vaut soutenir la foi et l’espérance d’un mourant qu’allumer une bougie près de son cercueil.
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