Nicée, dix-sept siècles après
- Fr. Guy
Nicée : 1700 ans d’histoire. Claire Reggio, Éditions du Cerf, 2025, 174 pages
J’ignore tout de la carrière universitaire et des publications scientifiques de l’auteure. Elle est présentée dans son livre comme une spécialiste du christianisme primitif. J’ai gardé tout de même quelques vagues souvenirs de Nicée, une bourgade anatolienne visitée il y a fort longtemps, là où se tint le fameux concile du même nom. Précisément en l’an 325, il y a donc 1700 ans. Une autre année jubilaire que l’Église veut célébrer.
L’ouvrage de Claire Reggio, dont il est ici question, se lit publiquement en ce temps de carême au réfectoire de la communauté de mes frères dominicains de Genève. Ce qui m’autorise à en parler succinctement dans ce blog.
On doit à ce premier concile « œcuménique » de l’histoire la formulation de la foi catholique. En particulier, la consubstantialité du Fils et du Père, la date de la fête de Pâques, et d’autres dispositions législatives. L’auteure a raison d’affirmer que le concile de Nicée est devenu la référence à laquelle tous les autres conciles ont désiré se rattacher. Peut-être une illusion !
Le triomphe de la foi chrétienne, qui suivit la conversion de Constantin en 313, obligea l’Église à lutter contre les dissidences surgies en son sein depuis ses origines et à affirmer son « orthodoxie ». Il en allait de même de l’Empire, dont l’unité et la stabilité dépendaient en partie de celles de l’Église. Nicée poursuivit ces deux objectifs. Convoqué et présidé par un empereur laïc et rassemblant des évêques de divers horizons, il fut à la fois une célébration ecclésiastique et un acte politique.
L’auteure consacre beaucoup de pages aux préambules ou aux préliminaires du concile. En particulier aux luttes politiques intestines, y compris à leur lot de persécutions anti-chrétiennes. Celle fomentée par Dioclétien fut spécialement atroce.
Le concile a-t-il porté les fruits que l’on attendait ? Certainement pas l’unité religieuse. La question va être reprise par les conciles ultérieurs. En particulier ceux d’Éphèse et de Chalcédoine. Ce genre d’assemblée laisse souvent des traces douloureuses. Le lecteur avisé et intéressé trouvera dans cet ouvrage des éléments convaincants. Du reste, quasiment tous les conciles de l’histoire s’achevèrent par des schismes où trempèrent des évêques, des patriarches et des théologiens. Les deux derniers, Vatican I et Vatican II, n’ont pas échappé à cette fatalité. Est-ce la raison pour laquelle on parle de nos jours davantage de synode que de concile ? Un chemin commun plus humble, plus chaotique, plus long vers la Vérité.
Le terme « œcuménique » appliqué à un concile peut être lui aussi choquant. Celui de Nicée rassemblait surtout des prélats orientaux, et celui de Trente des théologiens italiens et espagnols. J’eus comme un tressaillement quand j’appris que celui convoqué par Jean XXIII s’ouvrait à toutes les confessions chrétiennes. Mais ce ne fut qu’une émotion passagère, sans lendemain. Reste vrai que des observateurs non catholiques y prirent une place importante. Trop importante pour les prélats proches de Mgr Lefebvre.
Mais Nicée, pour moi, est d’abord un symbole de ma foi en Dieu et en Jésus, son Fils. Le mot symbole est d’abord une image concrète permettant à deux amis éloignés depuis longtemps de se reconnaître un jour. Il leur suffisait d’ajuster les deux pièces d’un objet fractionné lors de leur départ, dont chacun conservait avec soin un élément. Les catéchumènes adultes que je préparais au baptême étaient impressionnés par cette image. Le contenu de la foi est unique et universel, malgré la diversité des cultures à travers lesquelles il s’exprime. Aujourd’hui, il s’agirait plutôt d’ajuster la formule dogmatique à l’expérience religieuse et spirituelle qui la soutient. L’histoire des conciles n’est donc pas encore parvenue à écrire son ultime chapitre.
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