Missa criolla

Au soir du 23 mai à l’Alhambra de Genève, avec Paule et Agnès pour un spectacle qui m’enthousiasme : la fameuse messe latinoaméricaine (Senor ten piedad de nosotros) recréée en musique jazz. L’audition de la messe est précédée de« Navididad nuestra », un prélude interprété sur des airs de jazz dont les paroles sont inspirées par la piété populaire qui entoure la fête de Noël en Amérique du Sud. Je connaissais cette messe pour l’avoir entendue et chantée à maintes reprises, et même à la cathédrale de Cuernavaca, au centre du Mexique.

Ce spectacle, c’est l’évangile mis au goût du jour ou de la modernité. Mais sans ne rien céder de son authenticité et de sa spécificité.

L’ordinaire de la messe latine, traduite en espagnol, demeurait donc notre point de repérage. Mais quel art d’interpréter en musique jazz le symbole de Nicée-Constantinople ! Les formules ont beau nous être familières, leur rédaction remonte à quelques centaines de siècles dans un univers culturel absolument différent du nôtre. Je suivais récemment avec peine sur ma radio les explications à la fois filandreuses et scientifiques d’historiens des conciles qui essayaient de nous expliquer l’origine de notre Credo, en particulier les controverses théologiques qui avaient abouti à déclarer le Fils non pas de même nature, mais consubstantiel à son Père. Et voilà que le jazz s’emploie à nous le démontrer, sans qu’il soit besoin de nous le faire comprendre. Le mystère de Dieu, grâce à la musique, s’infiltre en nous, nous parle et nous fait vibrer. Ma voisine qui a déjà carillonner ses 90 ans ne cesse de s’agiter sur son fauteuil et de battre la mesure à tours de bras. Les jeunes spectateurs présents à l’Alhambra, loin de désapprouver ces manifestations ou de les juger séniles, prennent aussi leur part à cette musicale leçon de théologie. Leur enthousiasme le prouve.

Mais tonalité mineure quand le moment est venu de demander à l’Agneau de Dieu de nous donner la paix ; « Da nos la paz ». Pas d’exaltation bruyante pour accompagner cette prière dense et intense. Notre monde a tellement besoin de paix.

Par contre, exubérance pour le « Gloria a Dios ». Toutes les merveilles du ciel et de la terre rassemblées et associées dan la louange de leur créateur. On est loin du bing-bang inodore, incolore et improbable évoqué par le livre d’Oltramare. La création toute entière sous nos yeux et, grâce à la missa criolla, elle éclate à nos oreilles. Vive Dieu !