Mémoire et héritage

  • Fr. Guy

L'Église et ses témoins d'hier et d'aujourd'hui

Septembre – Mois du Souvenir

21 septembre 2024
Le Mur-Frontière de Ville-la-Grand

Aujourd’hui samedi, lors de la Journée du Patrimoine en France voisine, Marie-Thérèse me fait visiter le Mur-Frontière de Ville-la-Grand, qui permit à plusieurs Juifs et résistants de se réfugier en Suisse, grâce à la complicité du Père Louis Favre. Ce dernier fut fusillé par les Nazis, après avoir été lâchement dénoncé par un ou une de ses compatriotes. Un groupe de jeunes guides nous attendait pour nous raconter ces opérations à haut risque, sur les lieux mêmes où elles se produisirent. J’ai eu droit à l’attention soutenue d’une jeune lycéenne, qui me suivait avec une chaise pour atténuer ou me faire oublier ma fatigue. Non, notre belle jeunesse n’est pas pourrie ! Elle a, en tout cas, le courage d’affronter, droit dans les yeux, le mal et son histoire, et de s’en souvenir pour le prévenir. On m’a promis un livre sur Louis Favre. J’ai hâte de le découvrir et de le présenter.


Gaspard Mermillod
1824 – 1892
Dilexit Ecclesiam

Notre évêque Charles Morerod et Pascal Desthieux, curé de Notre-Dame de Genève, nous recommandent de célébrer avec eux le second centenaire de la naissance du cardinal Mermillod.

Qui se souvient, sur les bords de l’Arve ou du Rhône, de cet homme d’Église né à Carouge, dont un cénotaphe dans l’église de Carouge rappelle la mémoire ? J’ai toujours été frappé par l’inscription qui figure sur ce monument : « Dilexit Ecclesiam », « Il a aimé l’Église ». Une formule néotestamentaire dont le sujet est Jésus lui-même. Autrement dit, Gaspard Mermillod, à l’imitation de Jésus, s’est donné pour une Église qu’il aimait plus que tout. Les lecteurs trouveront les références de cette épitaphe dans leur Bible, en particulier dans la Lettre aux Éphésiens : « Maris, aimez vos femmes comme le Christ aima l’Église ».

Mais quelle Église aimait notre cardinal ? Tout d’abord, celle formée par des catholiques romains genevois, dépouillés de St-Germain, leur premier lieu de culte ouvert depuis la Réforme calviniste. C’est aussi Mermillod qui fut le fondateur de la paroisse et de l’église Notre-Dame. Ses tournées de prédication en Europe lui permirent de récolter les fonds nécessaires à cette entreprise. Sa nomination en tant qu’évêque auxiliaire de Genève attira sur lui les foudres du régime radical de l’époque, qui l’expulsa du territoire genevois, avant qu’il ne devienne évêque du diocèse de Lausanne et Genève, résidant à Fribourg. Cardinal romain, c’est à Rome qu’il passa de ce monde au Père à l’âge de 68 ans.

Ce mouvement anticlérical et anticatholique est différent du Sonderbund de 1847. Ses origines sont allemandes et ses effets négatifs se répercutèrent en Suisse, en particulier sur les catholiques libéraux, qui rêvaient d’une Église nationale sans liens avec Rome et son pape Pie IX, détesté dans leur milieu. Au vu de cette histoire, on peut conclure que le ministère pastoral de Mermillod s’est développé dans une ambiance malsaine et délétère, et qu’il vaut mieux tourner cette page et jeter un regard franc et non complaisant sur l’Église d’aujourd’hui.

D’où ma question : quelle Église, aujourd’hui, mérite notre amour au point d’exposer notre vie pour elle ? L’Église de Mermillod était avant tout une institution qui affichait près de deux mille ans d’existence. Son histoire, civile et religieuse, était complexe, marquée par des faits sublimes, mais aussi par d’autres moins glorieux. Pour tout dire, une Église faite de saints et de pécheurs. Cette institution avait également pour mission de transmettre un héritage religieux dont elle surveillait de près l’authenticité et la fidélité de sa transmission.

Mon expérience atteste qu’il ne s’agit plus de cette Église aux allures de musée et d’archives qui suscite l’affection de mes contemporains. Ce que je perçois, c’est plutôt une communauté de frères et sœurs vivant de l’Évangile de Jésus-Christ, portant un témoignage de paix et d’amour au sein d’un monde perturbé. Le baptême marque notre appartenance chrétienne, mais ce n’est pas le seul signe. À travers les âges et sur tous les continents, des milliards d’hommes et de femmes ont vécu et témoignent encore du même Évangile, souvent de manière discrète, sans en faire étalage. Il est évident que les catholiques « à la Mermillod » ignoraient le concept et la réalité de l’œcuménisme. Ils attendaient des réponses claires et précises des clercs aux questions posées par leur catéchisme, sans se réunir ensemble, baptisés ou non, sous le regard de l’Esprit, pour déchiffrer la volonté de Dieu, leur Père commun. L’œcuménisme, alors peu en vogue, aurait pu épargner à Mermillod bien des tourments.

Je ne voudrais pas clore ces réflexions sur une note négative. Mermillod fut un personnage hors du commun, car il sut tirer parti de ses divers dons. Je me suis amusé un jour à découvrir comment cet évêque proscrit était parvenu à s’approprier un terrain réservé à un temple maçonique, aujourd’hui centre vital du catholicisme genevois. Mais sachons voir au-delà de cette figure de paysan madré et futé. Mermillod fut également un artisan des discussions de Fribourg, qui aboutirent à l’encyclique Rerum Novarum du pape Léon XIII. Loin d’être un homme du passé, il sut percevoir l’un des principaux champs d’action de l’Église actuelle : celui de la justice à rendre aux faibles et aux petits.

Cette image a été créée avec l'aide de DALL·E

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