Bons à rien

Sylvain Detoc, La gloire des bons à rien. Petit guide des catholiques découragés. Paris, Éditions du Cerf, 2022.

Ce petit livre d’environ 150 pages, réédité cette année, a paru aux Éditions du Cerf en 2022 dans le cadre du pèlerinage dominicain de Lourdes dont l’auteur fut le prédicateur. Du moins, je le présume. Les pèlerins qu’il a rencontrés sur les bords du Gave ont-ils inspiré le titre de son livre ? Cela se pourrait. Mais je préfère m’abstenir de toute supposition qui mépriserait des humains sous le fallacieux prétexte qu’ils seraient « bons à rien ». L’auteur est bien conscient de la portée négative de ce terme, surtout dans un univers social comme le nôtre dont le rendement et la compétitivité sont les pièces maîtresses.

La première partie du livre est biblique. Elle veut démontrer que la confiance de Dieu est réservée à ces personnes que notre société méprise. Dans cette liste, Moïse semble être le champion, suivi de quelques prophètes maladroits. L’auteur connaît aussi les invectives de Paul adressées aux premiers chrétiens de Corinthe traités comme des êtres vils par leurs compatriotes.

Mais comment les bons à rien assument-ils ce mépris ? On le saura après avoir lu la deuxième partie de l’ouvrage. Et, finalement, on apprendra comment les bons à rien sont associés à l’évangélisation de notre monde. Le lecteur apprendra au passage de quelle pâte ils sont pétris.

« Le bon Dieu, à première vue, est un très mauvais Directeur des Ressources Humaines... Il ne s’intéresse ni aux diplômes ni à l’expérience. Apparemment, il préfère les bons à rien » (p. 17).

Le frère Sylvain donne l’impression de se réjouir du naufrage de certaines vedettes catholiques qui ont déshonoré l’Église de ces derniers temps. « À une vie angélique, préférons donc humblement, une vie évangélique. Fût-ce celle toute terrienne de ces bons à rien que Dieu affectionne et auxquels il accorde sa grâce ici-bas et sa gloire au-delà » (p.22).

Je me pose une question finale plus radicale. Existent-ils vraiment des bons à rien ? Bien sûr, il y a des humains inadaptés aux exigences du mode de vie de leur entourage social, religieux ou culturel. Mais ils détiennent une sagesse de vie, un bon sens, ignorés des stars et des vedettes. Toute créature a du prix pour son créateur. Même les bons à rien. Ce qui devrait nous encourager à nous mettre parfois à leur école.