Lettres d'un pasteur retraité à ses enfants éloignés
- Fr. Guy
Ce pasteur français retraité, connu dans le monde de l’édition, expose lui-même son projet. Mieux vaut l’écouter que de lire ma prose qui l’interprète : « Comme mon travail de pasteur relève de la vocation, cette dernière ne s’arrête pas le jour où l’on cesse d’être salarié. C’est pourquoi je continue d’écrire et de prêcher, mais je le fais à mon rythme. Le bonheur ce n’est pas de ne pas travailler, mais de travailler sans pression. Je savoure ce privilège. »
Je pourrais presque en dire autant. Sauf que je me presse et me fatigue de produire encore. Le pasteur a-t-il été fidèle à son objectif ? On ne saurait lui reprocher de ne pas l’avoir tenté, lui qui écrit à ses enfants dans l’avant-dernière page de son livre : « J’ai essayé dans ce livre de vous faire partager ce qui a motivé mes choix et mes combats » (op.cit. p.110). Alors qu’on aurait pu s’attendre de la part de l’auteur à des reproches faits à ses enfants qui se sont éloignés de l’Eglise ou à des aveux personnels culpabilisants, ce livre est le récit d’une vie pastorale vécue bien sûr sous le regard de Dieu, mais avec authenticité et liberté. Son lectorat potentiel dépasse donc l’enclos familial d’un pasteur protestant. Prêtre catholique, je me suis souvent retrouvé dans ses lignes. Et j’en rends grâce à Antoine Nouis. Je regrette de ne l’avoir jamais rencontré.
Ce livre comprend trois parties : la famille comme lieu de transmission - la vie et ses combats - laisser place aux générations nouvelles. « J’ai simplement mis sur papier ce qui relève de l’essentiel pour moi. Reconnaîtrez-vous cet essentiel ? » Quant à moi, je connais cet essentiel, même si je n’en parle pas avec l’élégance et la profondeur du pasteur Nouis. Quelques références, légèrement commentées, suffiront à le démontrer.
« Le rêve de tout parent est de voir ses enfants trouver leur propre chemin de vie sans négliger l’héritage qu’il a essayé de leur transmettre. Ce rêve a habité ma paternité, c’est sans doute lui qui m’a fait écrire ce livre. » (p.14).
Quant à moi, je suis un homme seul, sans descendance ni paternité biologique. A qui transmettre mon héritage qui ne peut être que spirituel ? Je rêve comme le pasteur de voir à l’église ceux et celles que j’ai baptisés. Mais je sais aussi que les chemins qui mènent au temple ou à l’église ne sont pas les seuls à nous conduire à Dieu.
« Il arrive un moment où la transmission s’inverse et où les enfants apprennent aux parents autant que les parents aux enfants. » (p.22). Même sans enfants pour me les apprendre, suis-je attentif à toutes les bonnes nouvelles qui résonnent à mes oreilles ? Surtout à tous les gestes de tendresse et de compassion que l’on manifeste non seulement à mon égard, mais à tous les souffrants de par le monde ? La création continue sous le regard bienveillant de Dieu.
Le pasteur, auteur de ce livre, avoue avoir cherché des signes (miracles) qui l’auraient mis sur le chemin de la foi. Il a dépassé ce stade en comprenant mieux le récit évangélique qui met en scène dix lépreux guéris par Jésus, tandis qu’un seul vient lui dire sa reconnaissance et s’entend dire : « Ta foi t’a guéri ! ». La foi est d’abord action de grâces et fidélité dans la reconnaissance. Très bien vu ! J’ai mille et une raisons d’être reconnaissant. A Dieu et aux hommes à travers lesquels il agit.
« Sur mon bureau j’ai un petit morceau de bois acheté un jour dans un monastère sur lequel est écrit : « Ma grâce te suffit ! ». Sur l’autre côté est écrit : « Tais-toi et rame ! ». Selon les jours, je m’appuie sur l’une ou l’autre de ces paroles. » (op.cit. p.33)
« C’est une grâce que de pouvoir vivre la présence de Dieu à travers nos pensées et sentiments. Mais lorsque nous ne le pouvons pas, cela ne veut pas dire que Dieu est absent. Il nous appelle alors à une fidélité plus grande. » (op.cit. p.32)
« Le ministère pastoral est un accomplissement qui donne tout son poids à la succession des jours et qui inscrit les fragilités de son existence dans le temps de Dieu. Goethe a écrit que l’homme le plus heureux est celui qui peut relier la fin de sa vie avec son commencement. Si l’on se réfère à ce critère, je suis un homme heureux. (op.cit. p.45).
Et moi donc ? Chaque matin je devrais m’émerveiller comme un enfant pour tout ce qui m’est donné « gratuitement », par grâce, et le reconnaître aussi devant Dieu. Je devrais noter dans mon Journal quotidien tous ces moments de grâce. Non seulement ceux que je perçois moi-même et qui me concernent, mais tous ceux qui illuminent mon chemin, quelles que soient la nature et l’origine de leur source lumineuse.
Ceci dit, j’ai été tout de même surpris par la décision prise par Antoine Nouis de démissionner de la charge pastorale pour laquelle il était reconnu et rétribué par l’Eglise réformée unie de France. Une démarche qui m’a paru contredire ses affirmations sur la fidélité. En fait, il ne démissionne pas de sa pastorale, mais de l’administration d’une Eglise repliée sur elle-même, incapable, selon lui, de se renouveler. Le jugement qui a conduit à cette décision n’appartient qu’à lui. Sans trop de finesse, un autre dirait plutôt : « Cette Eglise demeure ma mère, même s’il lui arrive parfois, hélas, de se comporter comme une p… ».
Qui suis-je pour la condamner ? Je ne me sens pas le droit de me dissocier des frères et des sœurs qui ont reçu d’elle le même baptême, sur lesquels a été invoqué le même Esprit.
En aucune façon ma remarque ne voudrait décourager une personne à entreprendre la lecture de ce livre simple, sans érudition inutile et qui concerne tout croyant. Paroles d’un sage dont tout humain peut tirer profit. Il permet aussi de connaître le contenu de la foi et le comportement des ministres de nos Eglises chrétiennes, sans exclure les rabbins de tous les âges dont les propos sont souvent cités dans ce modeste ouvrage. Un modèle d’œcuménisme.
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