Les papes et l’accueil de l’étranger

  • Fr. Guy

Une analyse enracinée

Jacques-Benoît Rauscher. Les frontières d’un discours. Les papes et l’accueil de l’étranger. Editions du Cerf 2024, 188 pages.

Dans un avant-propos de son livre, qui est en fait une vulgarisation de sa thèse de doctorat défendue à la faculté de théologie de l’université de Fribourg, le frère dominicain Jacques-Benoît Rauscher fait référence à un voyage mémorable à Calais en juin 2018. Il rencontra deux associations qui poursuivent des objectifs opposés. L’une est favorable à l’accueil des migrants résidants aux alentours ; l’autre y est opposée. L’une et l’autre se réclament de raisons à priori défendables.

Cet ouvrage propose un « débat » qui n’exclue à priori aucune position. Si le frère Jacques-Benoît questionne à ce sujet la Doctrine Sociale de l’Eglise, qu’il il connaît très bien, il pense que cette interrogation pose les bases d’une réflexion plus large sur l’accueil de l’étranger et les craintes qu’il suscite.

L’auteur n’hésite pas non plus à nous surprendre en comparant le discours de notre pape François favorable aux migrants à l’accueil et aux réserves suscités par l’encyclique « Humanae Vitae » de Paul VI, un de ses prédécesseurs. Les catholiques pratiquants de ce temps-là n’étaient pas les plus ardents à émettre une opinion favorable sur cette encyclique.

« Comparaison n’est pas raison ». Notre frère Jacques-Benoît le sait bien et refuse de se laisser piéger dans une analyse sur l’appartenance sociale ou religieuse des partisans et des opposants du pape François quand il aborde le sujet de l’étranger. Laissons la parole à l’auteur qui définit très bien le projet de son livre : « Notre perspective est tout autre et se veut plus radicale. Elle assume l’expression ‘faire problème’ et identifie dans la difficile réception des discours pontificaux sur l’étranger une frontière sur laquelle bute la Doctrine Sociale de l’Eglise. Il y a peut- être dans l’aspérité de ces enseignements la partie immergée d’un iceberg plus profond qu’il n’y paraît. Chercher à caractériser les points problématiques de la Doctrine Sociale de l’Eglise sur les migrants revient, selon nous, à s’interroger sur les tensions profondes qui traversent ce discours. »

J’ajoute à cette brève recension deux remarques. Je suis conscient que ce livre aurait mérité une présentation plus développée. Le lecteur attentif compensera lui-même à ce manque.

Je ne peux toutefois passer sous silence deux faits qui ont présidé à la rédaction de cet ouvrage. Le premier est introduit par l’auteur lui-même : « L’Eglise serait bien avisée de résister à l’insidieuse attraction qu’exerce sur elle la modernité. A cette fin, il faut se référer à une pensée antérieure à la rupture moderne. C’est ce que nous avons tenté de faire en confrontant certains impensés du discours de l’Eglise sur l’accueil de l’étranger à la réflexion de saint Thomas d’Aquin». Voilà qui est nouveau et inhabituel. Rien d’étonnant qu’un dominicain interroge son maître le plus estimé, mais qu’il le fasse sur ce thème étonnement moderne et actuel, voilà qui est plus surprenant.

On pourrait en dire autant de la Doctrine Sociale de l’Eglise si souvent évoquée et invoquée dans ce livre. Ce n’est que ces dernières années qu’émerge cette « doctrine » dont les sources les plus anciennes irriguent l’encyclique « Rerum Novarum » du pape Léon XIII. On la jugeait désuète. Le frère Rauscher la réhabilite et en démontre l’efficacité. Elle devient chez lui une clef de lecture d’un phénomène social contemporain qui, hélas, a tendance à devenir universel.

Le deuxième fait n’a rien d’anodin. Il nous fait connaître précisément les raisons personnelles qui ont motivé la recherche de l’auteur de ce livre et de la thèse dont il est le résumé. Une fois de plus, laissons-lui la parole : « Né en France de l’intérieur d’une famille alsacienne très attachée à la culture et à l’histoire singulière de cette région, la question de l’appartenance nationale a été présente de manière vive dans mon parcours.» (p.21-22) Le passage qui suit cette information nous apprend avec humour combien il est parfois difficile à un Français de vivre dans son pays sans que ses ancêtres ne soient Gaulois. Citons le dernier mot de l’introduction de l’ouvrage qui en dit long sur cette expérience ancienne et actuelle et sur les intentions du frère Jacques- Benoît : « Etudier comme nous allons le faire dans ces pages la thématique qui est la nôtre consiste précisément à assumer ces différentes étrangetés et se situer sur les lignes de fractures qu’elles révèlent. Il s’agit là d’un voyage aux frontières pour l’auteur comme pour le lecteur. »

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