Les chrétiens d’outremer au chevet d’une Église moribonde

  • Fr. Guy

Une Église qui reste celle de Pierre

« La Vie », été 2024

Un ami fidèle découpe dans le magazine « La Vie » des articles qui l’ont intéressé et me les confie pour recevoir mon avis. Ce n’est pas la première fois que mon blog fait référence à cette publication qui fut autrefois hebdomadaire et qui s’affichait résolument catholique.

Dans la collection de ces derniers mois, je choisis un article, non pas au hasard, mais vu l’intérêt de son sujet : le regain du rituel chez les catholiques de la jeune génération. Je rassemble sous le même titre tous les aspects de cette thématique abordée par le périodique. Elle ne concerne pas seulement le rite catholique ; elle déborde la tranche d’âge et l’origine de ceux et celles qui s’y adonnent. N’étant pas ethnologue, je privilégie tout de même les rites inspirés par le christianisme.

Après le concile, c’était la Parole qui prévalait dans la liturgie. Désormais, c’est le geste collectif ou personnalisé qui fait son grand retour. Je me le disais encore à la messe de ce dernier dimanche. Le seul mot intelligible parvenu à mes oreilles fut le mot « Parole ». Je ne crois pas avoir été le seul dans cette église à faire ce constat. Je m’en ouvris au prédicateur qui m’assura que c’était la Parole qui nous nourrit. Du moins était-ce ce qu’il tentait de nous faire comprendre.

Le reportage de « La Vie », au contraire, met en scène de plus en plus de jeunes catholiques des deux sexes agenouillés face à un prêtre qui dépose une hostie sur leur langue. On les retrouve au terme d’une célébration chantant une hymne à Marie ou allumant une bougie devant la statue de sainte Rita. Ils participent à des pèlerinages organisés par des catholiques intégristes, mais sans donner foi à leur « credo » et autres pratiques archaïques. Ils sont de toutes les processions et envahissent les hôtelleries des monastères pour prendre part à des veillées eucharistiques. Et je ne dis rien de l’imposition des cendres au début du Carême, où ils se bousculent par centaines.

Phénomène surprenant. Alors que les statistiques d’autres chrétiens se réjouissent de ce regain de vitalité de rites que l’on a cru trop vite périmés. Il est vrai que, selon « La Vie », les premiers adeptes de ce catholicisme de demain sont les immigrés convertis d’Afrique, des Antilles ou d’Asie. Ils sont nombreux, proches des métropoles françaises ou belges. Ils investissent un territoire abandonné par les chrétiens locaux, heureux de pouvoir y célébrer leur foi comme dans leurs pays d’origine. Une foi vécue dans leur âme, mais exprimée par leur corps aussi.

« La Vie » fait appel à des sociologues et à des théologiens reconnus pour analyser ce phénomène surprenant. L’homme n’est pas seulement doté d’intelligence analytique. Il a besoin de rites pour vivre. Pourquoi donc ne pas s’approprier ceux que le catholicisme conciliaire a jetés au rebut ? Jamais autant que dans ces milieux se vérifie la formule du chirurgien médiéval Ambroise Paré : « Je le panse ; Dieu le guérit ». Autrement dit, l’âme ne peut être touchée qu’à travers la médiation du corps.

Que répondre à mon ami ? Rien de magique dans ce genre de dévotions. Aucune superstition. Bien sûr, elles ne sont pas à l’abri de telles dérives. Pas plus que le discours théologique abscons qui multiplie les excentricités verbales et intellectuelles pour se faire valoir et accréditer. L’important est que le geste et la parole atteignent le cœur du croyant. Ainsi, la célébration du sacrement unit le bain d’eau, l’onction d’huile, les mains posées sur le front, le partage du pain et du vin à des paroles qui donnent sens à ces gestes. Je suis frappé aussi de l’unité du geste et de la parole dans les interventions de Jésus auprès des malades mis sur son chemin. En marge des sept sacrements, l’Église célèbre aussi des « sacramentaux », bénédictions spéciales réservées à des moments privilégiés, telles les fiançailles d’un couple promis en mariage. Le livre liturgique des bénédictions vient d’être réédité bien à son heure.

Le fait que ces pratiques des chrétiens d’outre-mer ne m’affole pas. Leur piété s’accommode du sacré et du miraculeux beaucoup mieux que la mienne. Elles peuvent sembler excentriques au premier abord. Mis au service de l’amour et de la justice, pourquoi les rejeter ? Ces chrétiens remplacent les missionnaires d’hier. Ils sont l’annonce d’une nouvelle Église, moins cérébrale et plus humaine. Une Église qui reste celle de Pierre, une Église qui se renouvelle à chaque génération malgré le mal qui la gangrène. Au dire de Jésus, « la puissance de la mort n’aura pas de force contre elle » (Matthieu 16, 18). C’est pourquoi, malgré le mauvais air que nous respirons de nos jours, je veux croire dans l’Esprit aux lendemains qui chantent et qui m’enchantent.

Cette image a été créée avec l'aide de DALL·E

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