Le marcheur

  • Fr. Guy

Christian Bobin

Christian Bobin, L’homme qui marche. Éditions Le Temps qu’il fait, 1995. Réimprimé en 2000, 34 pages.

« Quelque chose avant sa venue le pressent. Quelque chose après sa venue se souvient de lui. »

Christian Bobin (1951-2022) appartient à une génération de poètes chrétiens marqués par le souffle d’Assise. Trop tôt disparu, j’ai à peine goûté à ses œuvres à la fois poétiques et spirituelles. Ce petit recueil m’a été offert par une amie de longue date voulant souligner mon récent anniversaire. Il était encore temps de me mettre à l’école de Christian. Ou plutôt à l’école du Christ. Car c’est bien lui, « le marcheur », dont il est question dans ce fascicule. En voici quelques extraits, à défaut de le citer tout entier.

« Jésus ne parle que de la vie avec ses mots à elle. Il saisit des morceaux de la terre, les assemble dans sa parole, et c’est le ciel qui apparaît. »

« Jésus a ce cœur d’enfant de ne rien savoir des distinctions. Il s’adresse à tous de la même voix limpide, comme s’il n’y avait ni vertueux ni voyou, ni mendiant ni prince, mais seulement à chaque fois deux vivants face à face et la parole au milieu des deux, qui va, qui vient. »

« Il ne dit pas : aimez-moi, mais aimez-vous. »

« C’est un homme qui va de la louange à la désaffection et de la désaffection à la mort, toujours allant, toujours marchant. »

« Il traverse tout le registre de l’humain, la grande gamme émotive, si radicalement homme qu’il touche au Dieu par les racines. »

« Jésus dit qu’il est la vérité. C’est la parole la plus humble qui soit. L’orgueil serait de dire : la vérité, je l’ai, je la détiens, je l’ai mise dans l’écrin d’une formule. La vérité n’est pas une idée, mais une présence. Rien n’est présent que l’amour. »

« Il parle souvent de son père. Un adulte qui parle de son père réchauffe une ombre. Lui, c’est différent. On dirait que son père n’est pas dans le passé, mais dans l’avenir. Le père a la réputation d’orage ; le fils vient l’apaiser, l’apprivoiser. »

« Sa mère, il n’en parle jamais. Elle est partout en lui. Il tient de sa mère l’ampleur de son regard et la douceur maintenue jusque dans ses paroles les plus rudes. »

« Il ne semble pas suivre un chemin connu de lui. On pourrait même parler d’hésitations. Il cherche simplement quelqu’un qui l’entende. Cette recherche est presque toujours déçue. Son chemin est celui de ses déceptions. »

« L’homme qui marche est ce fou qui pense que l’on peut goûter à une vie si abondante qu’elle avale même la mort… Ceux qui emboîtent ce pas et croient que l’on peut demeurer éternellement à vif dans la clarté d’un mot d’amour, sans jamais perdre souffle, ceux-là, dans la mesure où ils entendent ce qu’ils disent, force est de les considérer comme fous. Ce qu’ils prétendent est irrecevable. Leur parole est démente.

Et pourtant, que valent d’autres paroles, toutes paroles échangées depuis la nuit des siècles ? Qu’est-ce que parler ? Qu’est-ce qu’aimer ? Comment croire et ne pas croire ? »

Beaucoup de lecteurs seront décontenancés par ces propos poétiques inhabituels. Mais qu’ils lisent avec attention ce que ce poète dit du marcheur, et sans doute lui donneront-ils raison. Même quand il parle de l’éternité, celle de Jésus et de la nôtre aussi. La mort ne peut pas avaler la vie.

Cette image a été créée avec l'aide de DALL·E

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