La vocation : cultiver l'appel de Dieu
- Fr. Guy
Quelques brèves notes personnelles à l’intention des participants et participantes aux « camps de vocation » à la demande du frère Pierre de Marolles, animateur de l’un de ces camps.
« Camp Voc’ »
Un souvenir personnel en guise de préface. 1990. Je cherchais en Suisse mes marques pastorales et conviviales après quasi vingt ans passés au Rwanda. Pour faciliter ma réinsertion, un prêtre de mes connaissances et amis crut bon de m’inviter à participer à un camp de vocation. Un « camp voc’ », comme on appelait alors ce genre de colonie de vacances. J’hésitais sérieusement. Je me sentais déphasé face à ces jeunes gens et jeunes filles de mon pays dont j’ignorais la culture ambiante de même que le sens de leur langage courant. Ils étaient nés et avaient grandi pendant mon absence. Que de mutations politiques, culturelles et religieuses dans un laps de temps de vingt ans ! Je m’en ouvris à cet ami prêtre qui me prit par les épaules et m’apostropha : « Fleuris là où Dieu t’a planté ! ». Je ne sais où il avait cueilli cette belle maxime. Autrement dit : « C’est en Suisse que tu es désormais transplanté. C’est donc ici que tu dois porter du fruit. Alors, tais-toi, et au boulot ! ».
« Appeler et planter »
En langage spirituel, je pourrais confondre le sens des verbes « appeler » et « planter ». C’est là où tu vis maintenant que Dieu te plante et t’appelle. Une vocation équivaut donc à une plantation et parfois à une transplantation. Ce qui fut mon cas. Mais restons sérieux. Ai-je conscience d’avoir été appelé un jour par Dieu ? Si oui, pour quelle mission ? Et dans quel contexte ? Animateur d’un « camp voc’ », par exemple ?
« Un brin d’étymologie »
Reconnaissons d’abord que le mot « vocation » a été banalisé dans notre langage courant. On parle de vocation à la médecine, à l’enseignement, de vocation sportive, sociale et artistique. Et que sais-je encore ? Des expressions différentes certes, mais qui ont un fond commun : le service d’autres personnes et, j’ajoute, quel qu’en soit le prix. La vocation n’est donc pas un emploi quelconque, mais un engagement altruiste fondé sur une conviction personnelle que beaucoup désignent par le mot « foi ». Mais la vocation peut avoir d’autres racines que religieuses. Elle peut caractériser un ensemble ou une tradition familiale. Il y a des familles d’enseignants, de médecins, de politiciens. La vocation peut naître aussi de l’admiration portée à telle ou telle personne particulièrement douée qui suscite le désir de marcher sur ses traces et de l’imiter.
« Incontournable »
Le plus souvent, la vocation est marquée par la gratuité et la générosité. Comme la charité dont l’apôtre Paul fait l’éloge dans sa Première Lettre aux Corinthiens, elle ne recherche pas son intérêt, surtout pas financier. Elle obéit aux appels du moment. Et pour y satisfaire, elle va jusqu’au bout de ses ressources, parfois même jusqu’au sacrifice.
« Un bien à protéger »
N’allons pas croire que l’appel n’est entendu qu’une seule fois pour toutes, sous la même forme et pour la même mission. Comme la semence dont parlent les évangiles, la vocation n’est pas à l’abri de la sécheresse, des oiseaux qui la picorent, des passants indifférents qui la piétinent. La vocation doit être protégée si on veut qu’elle porte du fruit. Je me souviens d’un faire-part d’ordination d’un jeune confrère dominicain résidant en Amérique Centrale. Il représentait deux mains ouvertes protégeant un frêle grain de maïs, céréale essentielle dans cette région du monde. Un rien aurait pu le supprimer ou le volatiliser. Mais il existe aussi des agents protecteurs, en l’occurrence les mains ouvertes de mon ami, ou alors, des circonstances imprévisibles qui assurent sa survie.
« Afrique et vocation »
Sur ce sujet, voici une réflexion que je me fais parfois et qui concerne ma propre vocation. J’ai rejoint l’Afrique dans les années qui suivirent de près Vatican II. On assistait alors dans nos régions occidentales à un véritable exode. Certains utilisaient le mot « débandade ». De nombreux prêtres et religieux ordonnés quittaient alors le bateau, pas forcément leur foi, ni même l’institution. Mais les obligations auxquelles l’état clérical les soumettait leur étaient insupportables. C’était l’époque où les bureaux de la curie romaine croulaient sous le poids des demandes de dispenses de vœux ou de célibat. Je ne me prononce pas ici sur le bien-fondé et la légitimité de ces départs. Je me refuse aussi à porter le moindre jugement sur les raisons souvent personnelles qui en furent les causes. D’autant plus que certains acteurs étaient de mes amis ou des confrères très estimés.
Sans les imiter, je respectais leur choix, tout en me demandant aujourd’hui si mon envoi précipité en Afrique fut une barrière qui assura la survie de ma « vocation ». Je ne puis inventer ni imaginer ce qu’elle serait devenue si j’étais resté en Europe. Oserais-je écrire que c’est l’Afrique qui l’a sauvée ? Il est permis de le supposer. Il est surtout vain d’entrer dans ce genre de questionnement. Que de facettes de ma personnalité échappent à mon regard ! Et que puis- je dire du plan de ce Dieu qui accompagne ma vie depuis ses premiers instants.
« J’avance comme un âne »
Je parle bien sûr de « ma » vocation religieuse, un échantillon particulier dans un choix de multiples possibilités. Je l’ai déjà décrite dans un texte de mon Journal. Je n’y reviens donc ici, si ce n’est pour rappeler que je ne fus jamais l’objet d’un appel tombé du ciel, pas plus que le fruit du désir d’imiter tel ou telle champion ou championne de sainteté. J’avais sans doute des prédispositions héritées de mon entourage social et familial, éthique ou religieux. Mais aucun appel foudroyant, comme celui de Paul sur le chemin de Damas.
Finalement, je n’ai fait qu’écouter et suivre des appels intérieurs qui correspondaient à mes désirs profonds et aux besoins des femmes et des hommes qui m’entouraient. Sans trop leur nuire ou peser sur eux, j’espère. Petit à petit, Dieu aidant, et les hommes avec lui, je suis devenu ce que je suis. Ni un saint, ni un héros. J’avance
comme un âne, selon la formule du cardinal Etchegaray : deux pas en avant, un pas en arrière !
« Le bonheur au bout du chemin »
Un dernier mot, « chers campeurs et campeuses ». Quel que soit votre choix vocationnel, accomplissez-le avec joie et sourire, quelle que soit la gravité de vos faux pas ou de vos échecs inévitables. Si votre cœur vous condamne, souvenez-vous, comme dit l’apôtre Jean, que « Dieu est plus grand que notre cœur ». Ne vous découragez donc pas ! Le bonheur est au bout du chemin. Quand on en donne et quand on en reçoit. L’un ne va pas sans l’autre.
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