Interview : la nouvelle Province Saint-Charles-Lwanga en Afrique Équatoriale

Notre frère Gabriel Samba, qui sera vicaire de la nouvelle province dans les premiers mois de son existence, parle de l'avenir

La semaine dernière, le Maître de l'Ordre a annoncé l’érection d'une nouvelle province dominicaine, la Province de Saint-Charles-Lwanga en Afrique Équatoriale.

L'érection d'une nouvelle province est un événement inhabituel et capital dans notre Ordre. Cela signifie entre autres qu'une certaine région de l'Ordre a atteint une taille telle qu’elle est maintenant capable de gérer ses propres affaires.

Notre frère Gabriel Samba, qui était au couvent St-Hyacinthe de Fribourg, sera le vicaire du Maître de l’Ordre sur cette nouvelle province dans les premiers mois de son existence. Il a eu la gentillesse de répondre à nos questions :

***

La rédaction : Frère Gabriel, bonjour ! Et félicitations pour ces bonnes nouvelles...

Frère Gabriel Samba : Bonjour ! Merci…

Réd. : Peux-tu nous dire, quel sera ton rôle au sein de cette nouvelle province ?  Et quand aura lieu votre premier chapitre[1]?

G.S. : Le Maître de l’Ordre, le frère Gerard, m’a institué comme son vicaire sur la Province Saint-Charles-Lwanga en Afrique Équatoriale, avec toutes les obligations et tous les droits qui correspondent à la charge de prieur provincial. Ma charge commence le 7 novembre, fête de Tous les Saints de l’Ordre des Prêcheurs et date à laquelle entre en vigueur le décret d’érection signé le 21 septembre dernier. Je resterai en fonction jusqu’à l’avant-veille du premier chapitre provincial électif prévu pour septembre 2023. J’ai donc un mandat de dix mois…

Réd. : Très bien, mais quelle est l'histoire de l'origine de cette province?

G.S. : Cette histoire remonte aux années 1954-1955, date de l’arrivée des premiers frères de la Province de France sont arrivés à Douala au Cameroun pour y « planter » l'Ordre. Cette fondation a connu des hauts et des bas, et l’entité a reçu plusieurs dénominations et statuts : Vicariat provincial du Cameroun en 1963, ensuite « Secteur d’Afrique Équatoriale – Cameroun » en 1971 et « Secteur d’Afrique Équatoriale» en 1988, et enfin « Vicariat provincial d’Afrique Équatoriale » en 1997, un titre qui a été réaffirmé en 2006. Il s’agit donc d’une histoire de 67 ans.

Maintenant, nous cueillons les fruits d’un dur labeur de nos aînés de plusieurs générations dont certains nous ont déjà précédés dans la maison du Père. Nous devons donc honorer la mémoire de nos aînés et nous montrer dignes de l’héritage qu’ils nous ont légués et le fructifier. Se mettre volontairement à l’écart ou en « opposition » serait profaner leur mémoire et renier notre identité dominicaine…

Réd. : Mais pourquoi maintenant ? Pourquoi le Maître de l'Ordre a-t-il jugé nécessaire d'ériger cette année votre région de l'Ordre en province ?  

G.S. : En bien, d’abord, parce que les conditions requises par nos lois sont remplies. Parmi ces conditions nous pouvons noter l’effectif des frères, la mise en place des structures de gouvernement et de formation, la constance dans la paix, l’assiduité à l’étude, le zèle dans la prédication et la fidélité dans l’observance régulière…. Il y a aussi une espérance. Et cette espérance est rendue évidente par les nombreuses vocations qui viennent des pays du territoire de la nouvelle Province.

Ces dernières années, les frères avaient reçu une feuille de route tracée par le Maître de l’Ordre. Ils l’ont bien respectée. Tous les frères se sont mis à la tâche, ils se sont impliqués avec un sens élevé de leur responsabilité. Le vicaire provincial et le conseil vicarial ont beaucoup travaillé… et je crois que c’est l’occasion de leur exprimer toute notre gratitude. Nous sommes aussi reconnaissants au Maître de l’Ordre, au socius pour l’Afrique et au provincial de France et à sa  province pour cet engendrement du « bébé-province » Saint-Charles-Lwanga (rires).

Réd : Donc, pour être plus précis, quels pays sont inclus dans la nouvelle province ? Où seront les maisons de formation ? 

G.S. : Enfin une question facile ! (rires) Alors, le territoire de la nouvelle province est composé de cinq pays de la sous-région d’Afrique centrale à savoir : la République du Cameroun, la République du Congo-Brazzaville, la République Centrafricaine, la République du Tchad et la République Gabonaise. Pour le moment il y a une seule maison de formation dans le territoire de la province : c’est le studentat, qui se trouve au couvent St-Dominique à Yaoundé au Cameroun. Les frères font leurs études à l’Université catholique d’Afrique centrale (UCAC). Jusqu’à présent nos frères font leur noviciat dans les noviciats d’autres entités dominicaines de l’Afrique grâce à la collaboration de l’Interafricaine (IAOP), principalement à Kigali dans le Vicariat du Rwanda et du Burundi, à Cotonou (Bénin) dans la Province saint Augustin en Afrique de l’Ouest et à Oyigbo (Rivers State, Nigeria), dans la Province Saint-Joseph-Ouvrier du Nigeria et du Ghana.

Réd : Et combien y aura-t-il de frères dans la nouvelle province ?

G.S. : Le nombre des frères transfiliés de la Province de France à la nouvelle Province Saint-Charles-Lwanga est de 69. Ils vivent en communauté dans les quatre couvents de la Province : Douala et Yaoundé au Cameroun, Pointe-Noire au Congo et Bangui en Centrafrique. Il y a aussi une maison à Brazzaville. Certains frères résident en dehors du territoire de la Province pour des raisons d’études, de collaboration dans le ministère ou de santé…

La vie apostolique dans la Province est dynamique et très diversifiée. Les frères sont engagés dans l’enseignement à l’Université catholique, dans des universités d’État, dans les grands séminaires et autres maisons de formation….

Ensuite, ils sont en charge des aumôneries universitaires et des cadres professionnels. Ils sont engagés dans la pastorale des paroisses universitaires et territoriales, et dans les médias, surtout à la radio.

Réd. : C’est impressionnant… y a-t-il des moniales sur le territoire de la nouvelle Province ?

G.S. : Il y a en effet trois monastères de moniales dominicaines, tous situés au Cameroun : à Douala sur le Littoral, à Bambui (Bamenda) dans le zone anglophone du nord-ouest, et à Toumi dans l’ouest.

La nouvelle Province dispose d’un centre spirituel. À cela s’ajoutent plusieurs collaborations avec d’autres entités de l’Ordre. Nous tenons à développer ces collaborations avec des entités africaines et avec notre ancienne province-mère, la Province de France…

Réd. : Très bien. Mais plus généralement, peux-tu nous parler un peu des défis pour l'Afrique en ce moment ?  Je pense aux défis sociaux, à la pauvreté, à la violence… 

G.S. : Alors, tous les pays de la Province connaissent ou ont connu la violence armée qui a créé tant de divisions… Alors nous nous posons la question, « comment pouvons-nous, comme dominicains, être témoins de la miséricorde, de l’unité et de la paix ? Comment pouvons-nous être des ‘prédicateurs de grâce’ – nous qui pendant la prostration qui précède nos vœux entendons les paroles : ‘Relevez-vous’ »?

N’est-ce pas là notre mission de relever ceux et celles qui sont à terre ? Dans beaucoup de familles dans nos pays, y compris nos propres familles, les gens mangent une seule fois par jour. Comment vivre une vie dominicaine « tranquille » et être insensible à tous ces gens, notre propre mère, notre propre père et nos frères et sœurs qui meurent de faim ? Quand ils n’arrivent pas à se soigner tandis que nous mangeons trois fois par jour au couvent ?

À vrai dire, dans nos pays nous vivons comme à l’époque de saint Dominique, où des gens mouraient de faim. Mais Dominique eut le cœur blessé de compassion au point de vendre ses livres pour leur venir en aide. Je crois qu’il nous faut « écouter ce que l’Esprit dit aux Églises » de nos pays et avoir un vrai sens de créativité apostolique…

Réd. : Il semble que les défis pratiques suggèrent immédiatement une question théologique, sinon pour mieux comprendre comment le Seigneur interagit avec des gens dans des circonstances vraiment difficiles. Nous sommes un Ordre où la réflexion théologique est valorisée. Quelles sont les ressources théologiques que nos frères pourraient apporter ? Qu'en est-il des modes proprement africains de théologie ? 

G.S. : On a souvent reproché à la théologie africaine d’être trop « abstraite ». Quelle théologie voulons-nous développer comme dominicains, façonnés par l’esprit de famille et à la lumière de notre riche tradition ? Dans notre Province, il nous revient d’honorer notre frère Éloi Messi Metogo. Selon lui, la théologie africaine ne naîtra pas de déclamations lyriques sur les « valeurs africaines de civilisation » ni de l'adaptation de dogmes et de rites chrétiens, mais d'une réappropriation responsable du christianisme à partir des préoccupations actuelles du peuple africain.

Réd. : Ces quelques lignes contiennent des suggestions très riches pour l'avenir.

G.S. : Oui, en effet.

Réd. : Frère Gabriel, merci pour cette interview. Et la bénédiction de Dieu sur toi et sur la nouvelle Province !

G.S. : Merci, frère.

 


[1] Tenu normalement une fois tous les quatre ans, un chapitre est un rassemblement de frères élus dans toute la province pour débattre des modifications à apporter à la législation de la province, aborder les questions importantes du jour et élire des frères à des postes de direction clés, y compris le supérieur de toute la province, le prieur provincial.

Le frère Gabriel Samba dans la chapelle du couvent St-Hyacinthe à Fribourg (photo : la rédaction)

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