Il est vraiment ressuscité !
Dimanche de Pâques, 2021
(Actes 10, 34.37, 43 ; Col 3, 1-4 ; Jn 20, 1-9)
Chers frères et sœurs,
Le Christ est ressuscité – il est vraiment ressuscité !
Il y a quelques heures, lors de la vigile pascale, nous avons entendu, de l’évangile selon saint Marc, que les trois femmes, venues pour embaumer le corps de Jésus, recevaient, une fois entrées dans le tombeau, ce message : « Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. »
Ces femmes, et parmi elles surtout Marie Madeleine, sont les premières à constater : la pierre a été enlevée du tombeau, l’endroit où l’on avait déposé le corps de Jésus est vide. C’est tout d’abord un constat effrayant : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » A première vue donc une violation de sépulture, une profanation de la tombe ! C’est ce que Marie Madeleine va annoncer d’urgence, en courant, à Simon-Pierre et à l’autre disciple, « celui que Jésus aimait ».
Ce disciple, dont nous ne connaissons pas le nom, est, dans l’évangile de Saint Jean, le témoin par excellence des derniers événements de la vie de Jésus. Pendant le dernier repas il est appuyé contre Jésus et il lui est permis de demander au Seigneur l’identité de celui qui le livrera ; ce disciple se trouve sous la croix et c’est à lui que Jésus, en mourant, confie sa mère. Il est le garant de la véracité de tout ce que l’Evangile selon Saint Jean nous témoigne sur ce grand passage de la mort à la vie que nous célébrons aujourd’hui, à Pâques. Et « nous savons que son témoignage est vrai ».
En effet, la résurrection de Jésus a besoin de témoins crédibles – de témoins qui aiment Jésus, qui sont prêts à lui rendre témoignage par l’engagement de leur propre vie. Le témoin ce n’est pas seulement celui qui dit la vérité sur ce qu’il a vu et entendu – il en est le garant avec sa vie.Le récit de l’évangile de Saint Jean sur ce qui s’est passé le grand matin de la journée de Pâques continue : alertés par Marie-Madeleine, Simon-Pierre et le disciple que Jésus aimait vont inspecter le tombeau.
Ils courent tous les deux ensemble – une vraie con-currence – et l’évangile ajoute ce qui pourrait apparaître comme un petit détail pittoresque : « mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau ».
Il n’entre pas dans le tombeau, il observe la situation mais il donne la priorité à Simon-Pierre, qui semble avoir eu dès le début une autorité et une préséance parmi les disciples de Jésus. Qu’est-ce qu’ils voient dans le tombeau ? « Les linges posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place ».
C’est comme le protocole d’une inspection fort précise.
En effet, l’évangile avait noté que Joseph d’Arimathie et Nicodème avaient lié de linges le corps du Crucifié. De nouveau un détail bien important. Le tombeau est vide, mais il n’y a pas eu de vol. Des voleurs n'auraient pas laissé tout en ordre.
Le scénario dramatique est parfait :
une femme attristée qui pleure son Seigneur et ne comprend pas que la pierre est enlevée du tombeau
deux disciples, essoufflés après la course vers ce tombeau, y font le constat d’un vide, la disparition de la dépouille mortelle de leur maître
Les trois personnes du drame aperçoivent les mêmes choses, ils regardent la pierre enlevée, constatent que le tombeau est vide mais que les linges sont à leur place. Seulement un des trois, le disciple que Jésus aimait, voit ce qui s’est vraiment passé. Et l’évangile dit : il vit, et il crut. C’est son cœur aimant qui voit ce qui est invisible. Il comprend que « selon l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts ». Il croit en la nouvelle présence de Jésus ressuscité – une nouvelle présence qui n’est pas l’objet d’un regard curieux ni d’un constat neutre. Ce qu’il voit lui révèle ce qu’il croit.
Trois personnes qui voient – trois fois un autre regard.
Il y a le voir, le simple acte physique de regarder de Marie Madeleine. Elle est venue au tombeau et a vu que quelque chose avait changé : le tombeau avait été ouvert, la pierre retournée.
Il y a le voir de Pierre : c’est un constat. Il observe la situation dans le tombeau avec précision : le corps du Seigneur n'a pas pu être volé. Les linges sont arrangés, le suaire à un endroit séparé. Il n'y a aucun signe de violence.
Le troisième "voir", celui du disciple que Jésus aimait, est le regard direct et authentique de celui qui soudainement comprend la nouveauté de la situation : « Il vit et il crut ». Croire, c’est voir la réalité avec les yeux de celui qui aime. Ce voir ouvre le cœur à la rencontre de l’inattendu. Le disciple que Jésus aimait vit et crut. Seul l’amour a éveillé dans cet homme le degré d’attention nécessaire pour reconnaître une vérité nouvelle.
La foi au Christ ressuscité traverse le vide du tombeau pour faire apercevoir une nouvelle présence du Seigneur. Le regard aimant est requis pour que la vérité de ce qu’on aperçoit apparaisse. En somme, c’est vrai pour toute notre expérience humaine, aussi interpersonnelle.
L’amour est l’étincelle qui illumine et fait voir la vérité que l’on cherche à connaître. La foi est une connaissance. Mais cette connaissance dans et par la foi n’est pas une théorie, une déduction logique. C’est un con-naître – c’est un « naître ensemble », être généré ou régénéré par la vérité qui se manifeste, trouver une nouvelle relation à la vérité réelle de l’autre personne ou d’une nouvelle situation.
La foi aimante ouvre les yeux et le cœur à une rencontre personnelle avec le Ressuscité.
L’Evangile selon Saint Jean nous le raconte :
Marie Madeleine n’est pas restée auprès du tombeau, elle est allée à la rencontre de son Seigneur qui l’a appelé par son nom. Elle l’a écouté et reconnu comme son Rabbouni, son maître aimé. C’est comme disait la philosophe Simone Weil : « Un homme qui a quelque chose à dire ne peut être d’abord écouté que de ceux qui l’aiment » (Weil, L’enracinement, Paris 1949, 178).
Les deux disciples sont eux aussi sortis du tombeau pour annoncer et témoigner que Jésus Christ est vivant. Le Ressuscité se donne à connaître quand il interprète les Ecritures, quand on mange et boit avec lui à la même table, quand on ose poser la main dans ses plaies qui sont en somme les plaies de notre monde et de nos souffrances, quand nous arrivons enfin à formuler, au-delà de nos doutes, ce balbutiement d’une confession de foi « mon Seigneur et mon Dieu », quand nous laissons à trois reprises, comme Simon-Pierre, mettre à l’épreuve de son interrogation notre foi chancelante, notre espérance trop hésitante, notre amour si banal.
La foi en la résurrection de Jésus nous met en route sur un chemin exigeant et en même temps consolant, un chemin de reconnaissance et recherche. « Vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut » nous dit Saint Paul aujourd’hui.
C’est un chemin qui nous demande de sortir nous aussi du vide de nos tombeaux personnels, de nos incertitudes et de nos angoisses, de nous mettre à l’écoute de la parole de ceux et celles qui témoignent du Christ vivant.
Le Ressuscité est en route avec nous, il nous précède. Nous ne sommes pas seuls avec nos questions, dans les tourmentes de notre vie en ce monde si souvent obscur, incertain, qui souffre de notre exploitation égoïste, de nos guerres, de la maladie. Sortons avec Jésus de ce tombeau pour rencontrer le Christ vivant qui nous appelle par notre nom, qui nous explique les Ecritures, qui est présent dans le pain et le vin sur la table de l’Eucharistie.
Le disciple que Jésus aimait et qui court avec Simon Pierre vers le tombeau, qui arrive le premier et qui confesse sa foi – il vit et il crut, ce disciple n’a pas de nom, il est anonyme. Mais en réalité, il devrait porter le nom de chacun de nous. Car nous sommes tous appelés à devenir des disciples que Jésus aime, des personnes aimantes appelées chacun, chacune à être témoins du message du vie et d’espérance – de Pâques.
Le Christ est ressuscité – il est vraiment ressuscité !
fr. Guido Vergauwen
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