« Il a sonné le temps des cathédrales »
- Fr. Guy
Sous un titre accrocheur, le périodique romand d’histoire et d’archéologie Passé Simple consacre un numéro spécial (Février 2025, N°100) à la dédicace de la cathédrale de Lausanne le 20 octobre 1275. Il y a donc 750 ans. Cette cérémonie avait réuni à Lausanne le pape Grégoire X et l’empereur désigné Rodolphe Iᵉʳ Habsbourg, roi des Romains. Une manifestation religieuse et politique de portée européenne qui mettait une trêve provisoire au conflit endémique opposant l’Église et l’Empire. Une dédicace tardive qui survenait deux siècles après l’édification de la cathédrale gothique.
Passé Simple veut marquer cet événement dans son centième numéro, qui paraît en février 2025. Une publication entièrement consacrée à la cathédrale de Lausanne et à l’évêché qui en porte le nom. Un dossier de 53 pages qui intéressera non seulement les historiens et les amateurs d’art, mais aussi les spécialistes de liturgie et, plus généralement, ceux et celles qui portent pour la mère de Jésus une affection non feinte. Ses origines dans nos régions remontent aux premiers siècles de l’ère médiévale. Est-il nécessaire de rappeler à nos lecteurs que ce monument est consacré à Notre-Dame de Lausanne et que l’évêque du lieu y avait sa cathèdre ?
Une chance. Nous connaissons la date et les circonstances de cette dédicace grâce à un manuscrit postérieur datant du milieu du XVe siècle, notamment l’arrivée à Lausanne d’une chasse contenant des reliques de provenance romaine. Ce manuscrit nous apprend aussi qu’à son époque un Grand Pardon était organisé à la cathédrale de Lausanne, c’est-à-dire un pèlerinage annuel doté d’indulgences. Il semblerait qu’on y affluait de toutes parts et pas seulement du diocèse de Lausanne, dont les limites de l’époque dépassaient largement celles d’aujourd’hui. Le dossier reproduit une carte de l’évêché et du diocèse de Lausanne établie vers 1200. La juridiction du prélat lausannois s’étendait alors sur tout le territoire actuel du canton de Berne, y compris sa capitale, et bien sûr, sur le territoire vaudois, fribourgeois et neuchâtelois. Quasiment toute la Romandie. Seuls y échappaient quelques districts jurassiens, genevois et valaisans qui relevaient d’une autre juridiction épiscopale.
La conquête bernoise des terres savoyardes du Pays de Vaud mit fin au statut privilégié de la cathédrale de Lausanne. La fameuse dispute de 1536 consacra la victoire des protestants bernois et des théologiens à leur service : Guillaume Farel et Pierre Viret. Le dernier évêque résident, Sébastien de Montfaucon, s’enfuit en Franche-Comté voisine, et ses successeurs trouvèrent refuge en Savoie. Finalement, l’un d’entre eux obtint l’asile de la ville de Fribourg sans devenir pour autant évêque de cette ville. Il faudra attendre le XXe siècle pour mettre fin à cette anomalie. Entretemps, ce qui restait de l’évêché de Genève, démembré par la Réforme et le Congrès de Vienne, fut rattaché à celui de Lausanne, dont une petite partie survivait tant bien que mal sur le territoire fribourgeois.
Mais les Vaudois n’oublièrent pas leur cathédrale. Ils l’entretinrent et la restaurèrent régulièrement. Même si son titre officiel devint celui de grande église ou de grand temple, elle continua de demeurer le témoin prestigieux du christianisme local. J’ai même entendu jadis parler de la nostalgie de certains pasteurs réformés qui rêvaient de restaurer sur ce site un évêché, sans doute sur le modèle anglican. D’ici là, la cathédrale de Lausanne ouvre occasionnellement ses portes aux autres Églises chrétiennes pour des services œcuméniques et même à une assemblée catholique pour y célébrer la messe. Va-t-elle renouveler ce geste le 20 octobre prochain pour commémorer l’anniversaire de sa dédicace ? Je le souhaite vivement. Plus que toutes les autres Notre-Dame du monde, celle de Lausanne demeure ma préférée.
Appendices
J’ajoute deux appendices à ce que je viens d’écrire.
Le premier intéressera l’Ordre Dominicain dont je fais partie. Selon un de ses écrits, nous savons que Jourdain de Saxe, deuxième Maître de l’Ordre après saint Dominique, fit escale à Lausanne. Les dominicains arrivèrent très tôt dans cette ville pour y établir leur couvent dédié à sainte Marie-Madeleine. Une petite rue appelée rue de la Madeleine figure encore aujourd’hui sur le plan de la ville. Selon un tableau de l’époque, des dominicains sont présents à la dispute de Lausanne. Leur couvent sera supprimé, mais certains de leurs livres liturgiques seront sauvegardés. On peut en prendre connaissance au Musée de l’évêché de Lausanne et même au couvent des sœurs moniales dominicaines d’Estavayer-le-Lac.
Dans les années 1960-1980, on tenta de créer une nouvelle communauté dominicaine à Lausanne, au Boulevard de Grancy, intégrée au Centre Universitaire Catholique (CUC). Une initiative qui tourna court.
Mon deuxième appendice dépasse le cadre dominicain. Au XIXe siècle, les catholiques retrouvèrent la liberté de pratiquer leur religion et même de construire des lieux de culte. Le premier fut une chapelle, suivie d’une église proche de la place de la Riponne, à deux pas de notre ancien couvent dominicain. Ce lieu de culte est dédié à Notre-Dame, fêtée le 8 septembre, jour de la Nativité de la Vierge. Plusieurs fois aménagée et restaurée, cette église appelée Notre-Dame du Valentin est ornée d’une fresque de Gino Severini, un peintre italien très sollicité dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg au cours des années 1930-1950. Aujourd’hui, ce lieu de culte accueille les dévots de Marie, qui fut pendant des siècles honorée à la cathédrale. Passé Simple ne manque pas de relater, avec textes et illustrations, cette deuxième étape de la piété mariale dans la capitale vaudoise.
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