Homélie de la Vigile pascale

du frère Jean-Michel Poffet

Chers frères et sœurs,

Je vous invite à rejoindre ces femmes qui, très tôt le matin de Pâques, quand les ténèbres le cèdent à la lumière, se rendent au tombeau de Jésus à Jérusalem.

Elles portent en leurs mains des aromates afin de l’embaumer : signe qu’elles ne pensent pas à la résurrection de Jésus, mais à sa mort. Elles cherchent son corps, le cadavre du Bien-aimé auquel elles veulent rendre un dernier hommage selon la coutume funéraire juive. Elles ne le trouvent pas, elles sont désemparées. Saint Luc, finement, précise :

 elles gardaient leur visage incliné vers le sol. 

Ces femmes sont une figure : figure de l’Église et de nos vies. Il nous arrive en effet d’être comme envahis par la mort, sidérés par le poids de violence et de haine, d’injustices et de souffrance qui blessent tant de personnes.

Oui, nous avons de quoi être sidérés par l’incendie de Notre-Dame de Paris mais aussi par les scandales qui défigurent le visage et la crédibilité de l’Église, corps du Christ. Nous avons de quoi, parfois, être découragés par nos faiblesses et notre péché. Nous avons de quoi être désemparés, le regard attiré par la terre et comme incapables de regarder vers le ciel.

Et c’est dans ce monde-là, dans cette Église-là, dans ces vies-là, les nôtres, que nous proclamons en cette nuit la résurrection de Jésus, sa victoire sur la mort.

Les paroles des deux Anges au tombeau valent de l’or :

 Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. Rappelez-vous ce qu’il vous a dit… 

 — les prédictions de la Passion et de la Résurrection mais plus largement tout le message de Jésus. Les anges convoquent les femmes et nous convoquent à un travail de mémoire. Il se trouve qu’obnubilées par leur souffrance, elles étaient devenues comme amnésiques, et nous leur ressemblons. : un peuple chrétien souvent amnésique. Oublié, hélas, le Dieu créateur, source de toute parcelle de vie en nous et dans la création.

Oublié, hélas, le Dieu de l’exode qui libère les hommes de leurs esclavages et qui mandate Moïse, les prophètes, Jésus, les Apôtres et l’Église d’aujourd’hui pour œuvrer à cette libération. Oubliée, hélas, la promesse d’Isaïe d’un Dieu qui offre gratuitement le pain et le vin et une Parole nourrissante.

Oubliée, hélas, la promesse du prophète Ézéchiel d’une eau lustrale à même de purifier l’Église des souillures les plus profondes, oubliée aussi la promesse d’un cœur de chair.

Oublié encore le cri de S. Paul :

 morts au péché, nous sommes vivants pour Dieu en Jésus Christ. 

Cette nuit est sainte parce qu’elle abrite sous son manteau les ténèbres du péché, toute l’obscurité du cœur humain, mais elle abrite aussi la flamme de l’espérance pascale.

Le péché, la violence et parfois la bêtise des hommes n’auront pas le dernier mot. Parce que, au matin de Pâques, il y a un peu plus de deux mille ans, à Jérusalem, des Anges ont annoncé aux femmes verrouillées dans leur chagrin, que Jésus était Vivant.

Puis le Christ lui-même ira rechercher ses disciples un à un pour les retourner, les convertir. Pour les faire passer de ce qui pouvait apparaître comme une fable à l’accueil ému de la vérité : oui, c’est bien vrai, Dieu a ressuscité Jésus.

Par le baptême, il nous associe à cette victoire et veut faire de nous des hommes et des femmes renouvelés par la grâce, heureux de porter en leur cœur une invincible espérance.

Frères et sœurs, Pâques n’est pas une affaire de lapin ou de chocolat.

Pâques n’est pas d’abord une occasion de vacances ou de loisirs. Pâques, c’est le don de l’espérance à notre humanité qui souffre de ne plus le savoir, de ne plus s’en souvenir.

Mais lorsqu’on a la grâce de la foi – et vous l’avez sinon vous ne seriez pas ici ce soir – nous pouvons laisser jaillir de nos cœurs un chant de gratitude envers Dieu, envers Jésus, envers les saintes et les saints qui nous ont transmis la flamme de l’évangile. Nous pouvons dire merci à nos parents ou grands-parents, à nos catéchistes, aux prêtres et religieux de nos paroisses ou à des amis qui nous ont mis et gardés sur le chemin de l’Évangile.

Tous les commentateurs des chaînes de télévision rappelaient l’autre soir que Notre-Dame de Paris paraissait être un monument quasi immortel, pourtant toute réalité de ce monde est fragile et requiert notre attention et notre vigilance. Ce qui semble une évidence lorsqu’il s’agit d’un édifice de pierre, devrait redevenir une évidence pour les baptisés.

Il est beau de voir se mobiliser les corps de métier, les grandes fortunes et les dons des petites gens pour refaire une beauté à une cathédrale qui a tant parlé de Dieu et de Notre-Dame non seulement à Paris ou à la France, mais au monde. Il n’est pas moins urgent ni moins beau d’œuvrer à ce que les chrétiens, pierres vivantes du Corps du Christ, soient des hommes et des femmes de mémoire, conscients de faire de leur vie une cathédrale abritant le trésor de l’Évangile.

Le reliquaire de la couronne d’épine est précieux et je ne puis que me féliciter qu’il ait pu être sauvé des flammes, mais nous sommes chacune et chacun porteurs du Christ vivant, pour peu que nous revenions à lui, que nous nous laissions sauver par lui, aimer par lui, ressusciter par lui.

Alors, frères et sœurs bien-aimés, en cette nuit très sainte, accueillons à nouveau la croix glorieuse de Jésus

Mettons-nous à la suite de ces pompiers de Paris qui, ouvrant les portes de Notre-Dame, virent dans le chœur, au milieu des gravats encore fumants, la grande croix dorée et à ses pieds Marie portant le corps de Jésus. Certains se sont découverts et ont tracé sur eux le signe de la croix.

Protégeons en notre cœur l’Évangile de Jésus, combattons l’oubli qui conduit à l’abandon de la foi et finalement à la mort. Le Christ nous a aimés jusqu’au bout, il a donné sa vie pour nous. Tâchons de lui répondre avec amour et avec une confiance pascale.

Fr Jean-Michel Poffet, prieur du couvent St-Hyacinthe

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