Chanter l'office en communauté, c'est l'une de mes activités préférées

Interview du frère Cyrille-Marie Richard

Originaire de Lorraine, le frère Cyrille-Marie Richard est entré au noviciat dominicain en 2006 à l'âge de 29 ans, après cinq ans d'enseignement des mathématiques dans un lycée. Après huit ans d'apostolat auprès des étudiants de Strasbourg, il vient passer une année à Saint-Hyacinthe pour s'immerger dans la vie intellectuelle. Au printemps, il se rendra à Rome pour présenter un mémoire de licence en Écriture Sainte.

Nous avons été ravis qu'il ait trouvé le temps de nous accorder ce bref entretien, en guise d'introduction :

La rédaction : Frère Cyrille-Marie Richard, bienvenue à Fribourg.

Frère Cyrille-Marie Richard : Bonjour, merci !

Réd. : Merci d'avoir accepté de discuter avec nous aujourd'hui. Commençons par en savoir un peu plus sur toi.

CMR : Je suis prêt à répondre à toutes tes questions... dans la limite du raisonnable, bien sûr (rires).

Réd. : Je ne serai pas trop dur. Tout d'abord, peux-tu décrire brièvement d'où tu viens en France ? 

CMR : Je suis originaire de Lorraine, je suis né à Metz. Je dirais que je garde un attachement profond à cette région, même si j'ai passé une grande partie de ma jeunesse en Normandie.

Réd. : Un mélange d'Orient et d'Occident.

CMR : En effet ! Quant à ma famille, elle a toujours été catholique pratiquante et mes parents étaient très impliqués dans leur paroisse. Mon père, une fois à la retraite, est devenu responsable de Caritas pour sa région. Pourtant, enfant et adolescent, je n'avais jamais envisagé de devenir prêtre ou moine.

Réd. : J'étais pareil....

CMR : Et tu vois où nous en sommes arrivés. Mais quoi qu'il en soit, c'est au cours de mes études de mathématiques à Caen que deux rencontres décisives ont eu lieu. Tout d'abord, un groupe d'amis m'a fait découvrir un foyer d'étudiants où l'on priait chaque jour les laudes et les complies. C'est là que j'ai découvert la prière, les psaumes et la Bible. Puis, un peu plus tard, alors que j'étais professeur de mathématiques dans un lycée, j'ai découvert l'abbaye de Mondaye, qui fait partie de l'ordre des Prémontrés. J'ai eu l'occasion de remplacer leur organiste, malade, pendant quelques mois. Chanter l'office en communauté était alors l'une de mes activités préférées, et j'ai réalisé qu'il y avait des personnes dont c’était le métier. C'est ainsi qu'à l'âge de 29 ans, j'ai décidé de devenir religieux et je suis entré au noviciat de Strasbourg.

Réd. : Cela signifie que tu seras un frère musicien de plus à Saint-Hyacinthe. Je peux dire que ce sera une bonne année pour chanter l'office.

CMR : Peut-être bien.

Réd. : Religieux, d’accord, mais pourquoi dominicain ?

CMR : Je voyais dans l’Ordre des Prêcheurs un bel équilibre entre la vie contemplative et la vie apostolique. En fait, plutôt qu’un équilibre, il y a entre les deux une tension féconde. C’est encore mieux.

Réd. : En parlant de tes passions personnelles, peux-tu nous en dire un peu plus ?

CMR : Eh bien en réalité, deux passions ont occupé une grande partie de ma vie, depuis l'âge de 13 ans. Comme j'y ai fait allusion, la première est l'orgue. Dans ma famille, il était de tradition de jouer de l'orgue à l'église (c’est assez fréquent en Lorraine). Enfant, j'ai demandé à mes parents de m'apprendre à jouer de l'orgue, et à l'âge de 13 ans, j'ai commencé à jouer la messe.

Réd. : As-tu été intimidée par le fait de jouer la messe, à un si jeune âge ?

CMR : Pas du tout. J'étais comme un poisson dans l'eau, comme on dit. Et je joue de l'orgue ici aussi.

Réd. : Dans notre couvent ?

CMR : Oui. J'ai eu la chance de découvrir à Saint-Hyacinthe un orgue de grande qualité, bien que petit, avec un pédalier. Il est resté inutilisé pendant des années. Mais maintenant, je travaille l'orgue presque tous les soirs. Nous avons même mis en place des vêpres accompagnées à l’orgue pour les grandes fêtes.

 Je n'ai pas vécu 'l'âge d'or' où toute la France était catholique et où tout allait bien dans l'Église ! Plus sérieusement, cet âge d'or a-t-il jamais existé ? 

Réd. : C'est formidable.

CMR : Ma deuxième passion, c'est la montagne. J'ai toujours passé mes vacances d'été et d'hiver dans les Alpes, principalement pour faire de la randonnée plutôt que du ski. Pendant mes années à Strasbourg, j'ai exploré les Vosges dans tous les sens, à pied ou en raquettes, seul, avec l'aumônerie étudiante ou avec des scouts. J'ai aussi la chance de connaître quelques paroisses accueillantes en Savoie, qui me permettent de passer des vacances en échange de quelques services.

Réd : C'est un passe-temps qui sera très bien accueilli ici, bien sûr. Maintenant, parlons un peu de ton parcours académique. Tu es venu à Fribourg pour faire des études, mais dans quel domaine ?

CMR : En effet, après huit ans d'apostolat auprès des étudiants à Strasbourg, je suis à Saint-Hyacinthe pour me replonger dans la vie intellectuelle. Au printemps, je me rendrai à Rome pour présenter un mémoire de licence en Écriture sainte. C'est ce mémoire qui constitue mon axe de travail en ce moment.

Réd. : De quoi s'agit-il ?

CMR : Eh bien, je travaille sur l'interruption des discours dans les Actes des Apôtres. Très souvent, le prédicateur, comme Pierre, Paul ou Étienne, est coupé. Je m'intéresse à la signification théologique de ce phénomène. En tant que dominicain, j'ai envie de travailler sur le thème de l’efficacité de la prédication.

Réd. : Depuis le peu de temps que tu es ici, tu as sûrement remarqué que notre couvent a une dimension internationale, qui permet de partager les richesses de la foi et de la tradition dominicaine avec des personnes de cultures différentes. Tu apportes une expérience française au mélange. Comment les autres frères peuvent-ils s'en inspirer ?

CMR : La France a une riche histoire de foi chrétienne, de théologie et de spiritualité. C'est le côté positif du bilan. Mais je dirais aussi que les défis auxquels l'Église de France est confrontée aujourd'hui obligent à la fois à la modestie et à une certaine inventivité. En France, le nombre de chrétiens est assez faible et il diminue d'ailleurs globalement. Les bâtiments d'église sont vacants, et certains sont reconvertis ou démolis.

Réd : C'est vrai.

  J'ai toujours été en contact avec des musiciens... qu'ils soient professionnels ou élèves de conservatoire. Certains d'entre eux sont vraiment très éloignés de l'Église. Pourtant, ils s'intéressent de près à la vie de l'esprit, à la Bible, à la prière, à la liturgie... 

CMR : Il existe pourtant dans les grandes villes une « masse critique » qui permet à la vie chrétienne de s'épanouir : prière, mission, fraternité, formation théologique.... De plus, j'ai remarqué que les communautés religieuses (dont nos couvents dominicains) sont des lieux qui attirent les gens. Ces dernières années à Strasbourg, j'ai passé beaucoup de temps au parloir avec des jeunes qui découvrent la foi, attirés en quelque sorte par le couvent, et dont certains (issus de milieux agnostiques, athées ou musulmans) se préparent au baptême. Enfin, je crois (sans être naïf) à l'efficacité de la prédication évangélique... sinon je ne serais pas dominicain !

Réd. : C'est une vision plutôt optimiste.

CMR : Eh bien, il faut comprendre que j'ai commencé à vivre ma vie de catholique fervent et pratiquant vers l'an 2000. Je n'ai donc pas vécu « l'âge d'or » où toute la France était catholique et où tout allait bien dans l'Église ! (Plus sérieusement, cet âge d'or a-t-il jamais existé ?) Pour le dire plus simplement, j'ai toujours connu « la crise » !

Réd. : Je vois…

CMR : Du coup, mon regard sur l'état de la foi chrétienne en France n'est pas tellement jugé à l'aune des époques passées.

Réd. : Cela peut être libérateur.

CMR : Je le pense. Et sans tomber dans un optimisme niais, je constate qu'il y a de vrais lieux de vie chrétienne et de transmission de la foi en France ; mon expérience personnelle dans le scoutisme et en tant qu'aumônier d'étudiants le confirme.

Réd. : C'est vrai que tu as une expérience en première ligne, si je puis dire.

CMR : Eh bien oui. De même, j'ai toujours été en contact avec des musiciens... qu'ils soient professionnels ou élèves de conservatoire. Certains d'entre eux sont vraiment très éloignés de l'Église. Pourtant, ils s'intéressent de près à la vie de l'esprit, à la Bible, à la prière, à la liturgie...

Réd. : Tendre la main au monde de la culture – et nous-mêmes y prendre part – a été un mode privilégié de prédication pour les Dominicains pendant des siècles.

CMR : C'est certainement le cas. Et c'est toujours aussi efficace aujourd'hui.

Réd. : Je pense que nous pouvons conclure sur cette belle note.

CMR : Très bien (rires).

Réd. : Merci, frère Cyrille-Marie, pour cet entretien.

CMR : C'est une joie. 

Le frère Cyrille-Marie Richard jouant de l'orgue dans la chapelle du couvent St-Hyacinthe (photos pour cet article : fr. Ivan Zrno)

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