Catholicisme et judaïsme

  • Fr. Guy

Regards croisés

Philippe Chenaux, La fin de l’antijudaïsme chrétien. L’Église catholique et les Juifs. De la Révolution française au concile Vatican II. Éditions du Cerf, 2023, 306 pages.

La présentation de ce livre fait suite à celle de l’ouvrage d’Olivier Catel. Si les sujets traités par l’un et l’autre auteur présentent quelques vagues analogies, leur genre littéraire et leurs objectifs sont absolument différents, de même que le parcours de vie des deux écrivains.

Philippe Chenaux est professeur d’histoire de l’Église moderne et contemporaine à l’université romaine du Latran. Chenaux est un excellent connaisseur des pontificats de Pie XII et de Paul VI. D’origine suisse, il dédie son œuvre à la mémoire d’« un grand ami du peuple juif, le cardinal Georges Cottier (1922-2016) ». Mais la photo de la première page de couverture est celle d’un autre cardinal, jésuite celui-là, Augustin Bea, qui joua un rôle déterminant au concile Vatican II en vue de faire disparaître les traces de l’antijudaïsme chrétien. Ce conflit et ces disputes envenimèrent pendant des siècles les relations judéo-chrétiennes.

Ce livre, qualifié par son éditeur de « synthèse brillante, inédite et magistrale », se propose de recenser tous les acteurs, hommes ou femmes, connus ou oubliés, qui se sont engagés dans ce combat libérateur. Notre historien puise aux meilleures sources, notamment au trésor des archives vaticanes devenues accessibles récemment.

En un mot, comment notre Église est-elle devenue partenaire d’un dialogue interreligieux avec un peuple jugé par elle pendant des siècles comme « déicide et maudit » et qu’elle considère aujourd’hui comme un aîné de sa propre foi ?

Pour faciliter la lecture de cet ouvrage, je me permets de rappeler le sens de trois termes souvent confondus dans ce contexte : l’antijudaïsme dont il est question dans le livre de Chenaux, l’antisémitisme qui est universel et le sionisme propre à Israël.

Le premier terme exprime la particularité de la foi chrétienne opposée au credo juif. Elle apparaît déjà avec netteté dans les Évangiles, le quatrième en particulier. Notons que cet antijudaïsme d’origine chrétienne correspond à un antichristianisme d’origine juive qui prendra son essor au tournant des premiers et deuxièmes siècles de notre ère. Un conflit religieux dogmatique s’en suivra auquel n’échapperont pas les partisans du judaïsme rabbinique ni les Pères de l’Église. Un conflit qui s’éteindra, du moins du côté catholique, avec Vatican II. Notre auteur raconte tous les aléas de cette histoire douloureuse multiséculaire.

L’antisémitisme, lui, a des racines politiques et racistes. Il ne s’interfère pas dans les affaires religieuses. Il s’oppose, souvent avec violence, à un groupe ethnique particulier, souffre-douleur du groupe dominant. Bouc émissaire de tous les travers économiques et sociaux, on cherche à supprimer les Juifs (génocide), faute de pouvoir les écarter ou les exclure de la société.

L’antisémitisme peut se réclamer occasionnellement de facteurs religieux. Mais en règle générale, ses adeptes se retrouvent partout, y compris chez les athées. Charles Maurras pourrait servir d’exemple. On ne s’étonnera donc pas de l’explosion de l’antisémitisme au cours de la seconde moitié du XIXᵉ siècle, profondément areligieux. Ce mouvement criminel atteindra son paroxysme sous les régimes fasciste et nazi, eux aussi antireligieux ou areligieux par définition.

Ceux qui adhèrent au dogme chrétien ont pu s’opposer au judaïsme sur le terrain doctrinal religieux, mais sans être pour autant antisémites. L’histoire des papes du dernier siècle le prouve avec évidence.

Enfin, la troisième notion est le sionisme, dont l’inspirateur et fondateur Théodore Herzl, au XIXᵉ siècle, fut le maître à penser de Ben Gourion et de Golda Meir, partisans d’un retour sur leur terre ancestrale des Juifs émigrés et persécutés de par le monde. Ce mouvement n’était pas religieux, mais social et politique. Ben Gourion était un sioniste qui affichait son athéisme. Mais le sionisme a pu s’annexer des juifs religieux, puisque, à leur avis, c’était Dieu qui a donné cette terre à Israël et qui a fait de ses habitants son peuple élu.

L’opposition fondamentale des juifs religieux au sionisme tient dans le fait qu’ils croient que Dieu seul a le pouvoir de rétablir le royaume d’Israël et même de reconstruire son Temple. Pour les juifs religieux, Israël est une théocratie et non un État politique comme le prétendent les sionistes.

Sans pouvoir analyser avec détail le riche contenu de cet ouvrage, je mentionne deux points de la table des matières particulièrement intéressants. En 1947, eut lieu la conférence de Seelisberg en Suisse où intervinrent plusieurs personnalités catholiques, réformées et juives. Un pas très important fut franchi vers une réconciliation authentique de ces trois entités religieuses.

Enfin, le dernier chapitre est consacré au tournant de Vatican II. On y apprendra quelles furent les origines, la portée et les limites de la Déclaration Nostra Aetate, qui signifiait la fin de l’antijudaïsme catholique. L’auteur nous rappelle aussi les débats conciliaires que cette Déclaration a suscités. Des faits qui datent certes, mais qui chargent encore notre actualité.

Cette image a été créée avec l'aide de DALL·E

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